Évangile du dimanche 29 avril 2012, 4ème dimanche de Pâques
- Jn 10,11-18 -
Jésus disait aux Juifs : « Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Le mercenaire, qui n'est pas le pasteur, et à qui n’appartiennent pas les brebis, s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse. C’est qu’il est mercenaire, et ne se soucie pas des brebis. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis.
J'ai encore d'autres brebis qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, il faut que je les mène ; elles écouteront ma voix ; et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur.
C'est pour cela que le Père m'aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre. Personne ne me l'enlève ; mais je la donne de moi-même. J'ai pouvoir de la donner et j'ai pouvoir de la reprendre ; tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père. »
L’image du pasteur, du berger, est fréquente dans la Bible. Elle concerne des hommes dont c’est la profession, comme Moïse, Saül, David avant de prendre la tête du peuple. Elle est appliquée aux gouvernants, suggérant qu’ils ont à prendre soin du peuple, à lui assurer les moyens de vivre décemment, à le défendre des ennemis… Elle est enfin appliquée à Dieu – on connaît bien le Ps 23 : « Le Seigneur est mon berger ; je ne manque de rien ».
Les prophètes ont à plusieurs reprises reproché aux gouvernants d’Israël de faillir à leur mission de pasteurs, tout en annonçant l’avènement d’un chef qui saura exercer sa mission avec fidélité, au nom de Dieu :
« Mon troupeau erre sur toutes les montagnes et sur toutes les collines élevées, mon troupeau est dispersé sur toute la surface du pays, nul ne s'en occupe et nul ne se met à sa recherche. Eh bien! pasteurs, je le jure : parce que mon troupeau est mis au pillage et devient la proie de toutes les bêtes sauvages, parce que mes pasteurs ne s'occupent pas de mon troupeau, parce que mes pasteurs se paissent eux-mêmes sans paître mon troupeau, voici, je leur reprendrai mon troupeau et désormais, je les empêcherai de paître mon troupeau. Comme un pasteur s'occupe de son troupeau, quand il est au milieu de ses brebis éparpillées, je m'occuperai de mes brebis. Je les retirerai de tous les lieux où elles furent dispersées, au jour de nuées et de ténèbres » (Ez 34, 6-12).
Les évangiles de Matthieu, Marc et Luc rapportent plusieurs déclarations de Jésus ou méditations de l’évangéliste reprenant l’image du berger et du troupeau. Par exemple, dans le récit de l’enfance de Jésus en Matthieu, pour savoir en quelle ville devait naître le roi messianique, les savants de Jérusalem citent une prophétie de Michée selon laquelle le « berger » sortira de Bethléem (Mt 2, 6). Dans le même évangile, en 15, 24, Jésus déclare que sa mission est réservée « aux brebis perdues d’Israël » ; d’ailleurs elles sont fatiguées, ces brebis sans berger (Mt 9, 36 // Mc 6, 34). Au seuil de sa passion, Jésus sait que les chefs du peuple sont prêts à le mettre à mort : lui, le berger, sera frappé avec la conséquence que ses disciples seront comme des brebis dispersées.
L’image n’est donc pas propre à Jean et il la reprend en la développant et en lui ajoutant des traits nouveaux, en accord avec sa vision du Christ totalement livré à la volonté du Père, conscient de ce qui l’attend, fidèle jusqu’au bout.
Le trait plus surprenant, dans le discours johannique, est que Jésus considère que sa propre vie a moins d’importance que celle des brebis : il est prêt à la « risquer » ; plus encore, il est disposé à « la donner » si le loup vorace venait à menacer les brebis. Aucun berger humain ne ferait cela ! Il est vrai que Jésus est conscient du fait qu’il a le pouvoir de reprendre sa vie après qu’on la lui ait enlevée, mais tout de même ! Par ce trait étonnant, le fait de « risquer » sa vie, Jésus affirme qu’il aime ses brebis plus que lui-même.
L’autorité de Jésus sur son troupeau est totale : les brebis lui appartiennent. Son autorité est légitime puisqu'il exerce sa mission dans une totale communion avec le Père seul véritable pasteur d'Israël: "Le Père me connaît et je connais le Père". Enfin, elle comporte un pouvoir exceptionnel, celui de redevenir vivant après la mort.
Un autre trait nous étonne : il y a entre Jésus et ses brebis une relation de communion telle qu’ils se connaissent mutuellement et s’aiment – notez que Jésus parle plus de son rapport avec les brebis prises individuellement qu’avec l’ensemble qu’elle compose, le troupeau. Du fait de cette connaissance, les brebis reconnaissent sa voix et lui obéissent avec une totale confiance. Cette communion se fonde sur le fait que les brebis « appartiennent » au Christ ; il n’en est pas un simple gardien, prêt à fuir devant le péril. Jésus peut aller jusqu'à dire qu'il les appelle chacune par son nom. Il connaît ses disciples dans l'intime d'eux-mêmes tout comme le Père et lui se connaissent intimement.
Quels sont les autres enclos où se trouvent d'autres brebis appelées à rejoindre les disciples pour former un seul et unique troupeau guidé par le Fils de Dieu? La réponse n'est pas nette.
Enfin, les exégètes nous font remarquer que le terme aulè, traduit ici par « enclos », désigne en fait la cour d’une maison, non une bergerie. Plus précisément, c’est par ce terme qu’on désigne le parvis du Temple ; or, depuis sa rencontre avec l’homme qui était né aveugle, Jésus se trouve précisément à cet endroit. Comme si cet homme était devenu sa brebis, capable désormais de le suivre et de marcher dans la lumière. De cette manière, le discours est discrètement situé à l’intérieur du débat entre Jésus et les autorités juives, Jésus se posant en concurrence avec eux au lieu même où les Juifs viennent à la rencontre de leur véritable Berger : Dieu…