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Biblissimo

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Vous trouverez ici des documents visant à une meilleure connaissance de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments. Ils représentent le fruit de recherches personnelles. Je les mets à votre disposition en vous demandant de respecter les droits d'auteur. Bon travail!


Lettre aux Philippiens. Commentaire exégétique

Publié par Biblissimo sur 16 Avril 2015, 10:12am

Catégories : #Corpus paulinien, #Philippiens

Saint Paul par El Greco
Saint Paul par El Greco

Ce document est un commentaire rapide accompagnant une session de formation sur la Lettre de saint Paul aux Philippiens.

De toutes les lettres pauliniennes, par le genre de la conversation qu’elle établit avec les destinataires et par la diversité des thèmes, Philippiens est celle qui correspond le plus au genre littéraire « épistolaire ». Saint Paul s’y exprime avec un ton personnel, tantôt joyeux tantôt insistant, mais toujours sous forme de dialogue, un dialogue confiant qui découle de l’histoire des bonnes relations entre l’apôtre et les destinataires et, plus récemment de la participation des Philippiens à son œuvre d’apôtre, malgré l’éloignement et les conditions difficiles. On y trouve des informations concrètes, aussi bien de la situation de Paul que de certaines personnes qu’il mentionne avec leurs noms.

On lit volontiers Philippiens pour la double présentation, émouvante tout en restant sobre, des destinées du Christ et de Paul, rédigées en parallèle, les différences de situation étant nettement respectées. C’est ce qui donne la force définitive aux exhortations que Paul adresse, notamment à rechercher l’intérêt de l’Évangile et du frère avec humilité et obéissance.

Un avantage : elle est relativement brève, sans longueurs, pratique tout en élevant l’esprit vers le Christ Seigneur.

1. Intégrité (unité littéraire) de la lettre ?[1]

Une lecture attentive de la lettre fait apparaître quelques brusques changements dans la suite des idées. Le plus net est le passage de 3, 1 à 3, 2 : le ton passe de la familiarité et de la confiance à la sévérité, marquée par des expressions incisives et par la nécessité pour Paul de se donner en exemple face à des personnes qualifiées de « chiens », de « mauvais ouvriers de l’Évangile ». De plus, en 3, 2 – 4, 1, Paul ne fait plus allusion à sa captivité. Enfin, son sort est mentionné en tant que destin personnel et non en rapport avec la cause de l’Évangile, comme c’est le cas avant (7x) et après (2x).

Les indices littéraires sont insuffisants pour nous permettre des explications définitives mais de nombreux exégètes estiment que ces ruptures sont le signe de différents écrits réunis artificiellement. Par ex., J.-F. Collange[2] estime que la Lettre est la réunion de 3 documents correspondant, dans l’ordre chronologique, aux sections suivantes :

– A = 4, 10-20 (ou 10-23) ; il s’agit de l’épilogue de la Lettre ;

– B = 1, 1 – 3, 1a + 4, 2-7 (+ 4, 21-23 ?)

– C = 3, 1b – 4, 1 + 4, 8-9

Les conseils de conduite morale donnés avec insistance aux versets 8-9 du ch. 4 semblent redondants par rapport à ceux qui précèdent (v. 2-7), appartenant au même registre des vertus humaines.

D’autres exégètes aboutissent à une organisation plus complexe encore.

Que la Lettre soit composée de plusieurs morceaux à l’origine indépendants est possible, mais cela n’apporte pas de lumière décisive pour la compréhension du contenu de la Lettre et du rapport entre l’apôtre et les destinataires, d’autant plus que le vocabulaire important est réparti de manière constante dans l’ensemble de la lettre. Notons qu’il n’existe aucun manuscrit présentant un texte plus long ou moins long que l’actuel.

Dans sa biographie de Paul, S. Légasse tient pour l’hypothèse d’une lettre réunissant plusieurs fragments ; sur cette base, il peut donner à la section 3, 2 – 4, 1 l’évaluation suivante : « une pièce d’artillerie dirigée contre des propagandistes judéo-chrétiens (3, 2 : « faux circoncis ») analogues à ceux de Galatie et qui menaçaient la communauté de Philippes. »[3]

Nous verrons que la section « C », selon Collange, peut s’expliquer comme la deuxième partie d’un diptyque dont « B » serait la première. Paul lui-même en serait l’unique auteur et cela dans le strict cadre de la Lettre.

On note aussi un vocabulaire significatif commun à B et C : subsister, les mots formés sur « figure » et « forme », la référence au passage de l’humiliation à la gloire.[4] Comment deux auteurs différents auraient utilisé ce vocabulaire assez particulier ?

3 20 Pour nous, notre citoyenneté subsiste dans les cieux,

= 2 6 Lui, subsistant en forme de Dieu,

d’où nous attendons ardemment, comme Sauveur, le Seigneur Jésus Christ,

= 2 11 Que toute langue proclame de Jésus Christ qu’il est Seigneur

21 qui transfigurera le corps

= 2 7 et en figure d’homme trouvé,

de notre humiliation

= 2 8 il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort,

pour le conformer

= 2 7 mais il s’anéantit lui-même, prenant forme d’esclave,

à son corps de gloire

= 2 11 à la gloire de Dieu le Père.

2. L’évangélisation de Philippes par Paul et Barnabé

2.1 Le récit des Actes des Apôtres

Les Actes (16, 9-40) donnent quelques indications sur l’arrivée de Paul à Philippes et sur son séjour, au milieu de son deuxième voyage missionnaire, après la visite des communautés qu’il avait fondées conjointement avec Barnabé et Marc.

Selon la vision de Luc, Paul a été irrésistiblement poussé à annoncer l’Évangile vers l’ouest (par rapport à Antioche et Jérusalem), c’est-à-dire vers les régions marquées par la culture et la politique gréco-romaines. Il va donc effectuer le passage de l’Asie à la Grèce ; même si la culture gréco-romaine avait depuis longtemps effacé en partie les frontières de cette région, cela représente une étape importante dans l’histoire de la diffusion du christianisme. Le récit de la vision du Macédonien, lors du court séjour de Paul et de ses compagnons à Troas, sur le bord oriental de la Mer Égée (Ac 16, 9-10), a pour but de confirmer ce projet de Paul, avertissant le lecteur qu’il va ainsi au-devant de l’attente des païens à l’égard de l’Évangile du salut.

2.2 Situation de la ville de Philippes

Localisation : voir sur une carte.

La ville de Philippes[5], anciennement Krenides, est modeste en taille mais a l’avantage d’être desservie par une voie romaine, la Via Egnatia, reliant Byzance à Durrhassum[6], et de là au sud de l’Italie, route stratégique plus facile et sûre que les autres, munie de postes de garde et de ravitaillement, sans cesse parcourue par des groupes de militaires. Par cette voie, Philippes est reliée aussi à Amphipolis, le centre administratif de la sous-région, et, plus loin, à la capitale de la province septentrionale de la Grèce, Thessalonique.

Élément intéressant de Philippes : elle est très « romaine ». En effet, elle est composée en grande partie d’anciens militaires des Légions romaines, installés sur place par Auguste après la victoire d’Auguste et d’Antoine sur les meurtriers de Jules César. Ils ont apporté leur culture, favorisant les relations avec Rome et développant le commerce. La ville a même reçu le ius italicum, lui donnant une autonomie administrative et l’exemption de certaines taxes impériales. On comprend qu’il y ait eu un « Prétoire », bâtiment officiel de la « maison de César », expression désignant la domesticité affectée à toute propriété impériale, éventuellement de la Garde impériale, à Rome en principe mais aussi dans certaines villes de Province. Il faudra prendre ce fait en considération dans la lecture de la Lettre : Paul sait qu’il parle à des destinataires soucieux de ce qu’ils doivent à l’administration romaine, voire à leur citoyenneté romaine.

Cette caractéristique donne d’autant plus d’intérêt à l’expression utilisée par Paul dans l’exhortation à une vie chrétienne plus sérieuse : « Seulement menez-une-vie (politeuesthe) digne (axiôs) de l’Évangile du Christ » (1, 27). De même, on note une pointe d’ironie quand il affirme : « Notre gouvernement (politeuma) est dans les cieux » (3, 20).

Pour ce qui est de la présence de Juifs à Philippes, les documents sont silencieux. On n’a pas trouvé de synagogue et on comprend que le récit donne à la rencontre entre Paul et la communauté juive le cadre d’une rivière, comme c’était souvent le cas dans la diaspora juive. Lydie, la première baptisée « européenne », était négociante en pourpre, nous disent les Actes. Or, la pourpre était un produit originaire principalement d’Orient (Tyr, notamment) et contrôlé par l’administration romaine ; son travail, certainement lucratif, la rend donc proche de celle-ci.

3. Situation et occasion de rédaction de la lettre

3.1 Situation dans la vie de saint Paul

Dans quelles circonstances Paul a-t-il écrit la Lettre ? Une chose est sûre : il est en prison[7]. Mais dans quelle ville ? Les Actes rapportent trois emprisonnements notables de Paul : Philippes, Césarée maritime et Rome. Malgré l’absence d’indications précises, un nombre croissant de spécialistes placent à Éphèse une longue détention de Paul. De fait, Césarée et Rome sont trop éloignées pour qu’il y ait des visites auprès de Paul de chrétiens habitant Philippes, comme Épaphrodite (2, 25), voyageant avec des offrandes en nature ou en argent, ou comme Timothée (2, 19-24) que Paul envoie en attendant son propre déplacement (2, 24).

De plus, on trouve dans la Lettre des indications qui laissent entendre que Paul a l’intention de visiter Philippes. Cela correspond aux indications de voyage fournies par 2 Co et s’accorde avec Rm 15, 14-29 (Paul en a fini avec l’Orient).[8] Attention, on en est au troisième voyage missionnaire, celui qui est marqué par la fondation de l’Église d’Éphèse. C’est plus tard que Paul se rendra à Jérusalem, où il sera arrêté et emmené captif à Césarée.[9]

Si l’on accepte cette explication, la Lettre aux Philippiens a été écrite entre les deux Lettres aux Corinthiens et avant la Lettre aux Galates, vers l’an 54. Cinq années au moins séparent cette lettre de la fondation de la communauté.

3.2 Occasion de la lettre

Pourquoi Paul s’est-il donné la peine de rédiger cette Lettre ? Je résume les trois explications les plus sérieuses ; elles ne s’opposent pas les unes aux autres, mais se complètent.

1- Paul veut exprimer son affection et sa reconnaissance aux chrétiens de Philippes, suite à des nouvelles reçues récemment, ainsi que transmettre des consignes (p. ex. relatives à Épaphrodite) ; sa joie s’appuie sur la reconnaissance d’une véritable communion (koinônia – communication) qui se poursuit depuis le premier séjour, au-delà de la distance et de l’impossibilité pour Paul de développer des activités missionnaires : ils mènent le même combat que lui, y compris par le fait de souffrir ;

2- Paul veut avertir la communauté de se garder des adversaires ; on peut distinguer deux types [10] : les judaïsants, qui mettent leur fierté dans la chair, au sens de la circoncision et des préceptes liés au calendrier et aux aliments, et les chrétiens qui annoncent le Christ sans erreur de doctrine que Paul aurait dû corriger mais par jalousie à son égard et donc en esprit de rivalité ; les judaïsants ne présentent pas encore le caractère décidé que supposera plus tard la diatribe de Ga ;

P. Bonnard : Paul n’a pas affaire à des oppositions d’ordre doctrinal. Ses adversaires ne sont pas des judaïsants, comme en Galatie. C’est pourquoi il ne s’attarde pas à réfuter leurs doctrines : ces oppositions n’ont pas la même gravité. La tendance judaïsante n’annonce pas l’Évangile, ne prêche pas Jésus-Christ.

3- Paul veut transmettre un message relatif à son expérience de la proximité de la mort (martyre – « mon sang répandu en libation sur le sacrifice de votre foi ») : elle a augmenté en lui le désir de rejoindre le Christ et l’espérance en la « transformation » de sa chair par le Christ ressuscité, sans lui faire perdre de vue l’utilité de sa mission auprès des siens. Dans la mesure où ses souffrances sont dues à un choix entre le service de l’Évangile et les lois romaines, il a pu prendre davantage conscience que « notre citoyenneté se trouve dans les cieux ».

Dans les versets 9-11 du début de la lettre, Paul constate que l’agapè est présente dans la communauté de Philippes mais qu’elle doit « s’épancher en épignôsis, aisthèsis et discernement de ce qui est meilleur ». Il ajoute trois dispositions indispensables dans la perspective de l’avènement du Jour du Seigneur : être purs, sans reproche et remplis de justice.

L’autre occurrence de dikaiosynè en Ph se trouve dans l’affirmation que la seule justice agréée par Dieu est désormais celle de suivre le Christ Jésus (3, 9), dans un contexte de diatribe à l’égard de ceux qui regrettent l’appartenance au judaïsme.

Certainement cette prière exprime l’intention de Paul quand il se met à rédiger la lettre.

3.3 Le genre littéraire épistolaire

Voir J. Murphy-O’Connor et R. Burnet (avec la critique de la position de Deissmann).

« Une lettre est une forme écrite de communication qui permet de rompre l’éloignement entre deux correspondants et qui se présente comme un substitut de l’oral et se doit donc d’en adopter la spontanéité » (R. Burnet, Épîtres et lettres. Ier-IIème siècles. De Paul de Tarse à Polycarpe de Smyrne, « Lectio divina », Paris, Cerf, 2003, p. 31).

La fonction primaire de la lettre : remplacer une visite et un dialogue direct ; permettre une certaine présence de l’auteur tout en maintenant une distance permettant aux destinataires de s’approprier ou de refuser les nouvelles ou le message pendant le temps qui précédera la formulation de leur réaction. Principe du feed-back. Excellent exemple chez Paul : il explique en 2 Co 1,23 – 2,11 qu’il a retardé sa visite pour éviter une confrontation « à chaud » et que donner son avis par lettre est avantageux pour tous. D’où la multiplicité des ses emplois.

La lettre apostolique « ne prend pas seulement le caractère officiel [l’autorité de Paul] mais aussi l’assistance de révélation, d’une exhortation ou d’un avertissement prophétique » (F. Vouga, p. 153).

Modèle hellénistique : Adresse / Nouvelles / Conclusion / Salutations

Elle constitue le modèle de base des deux suivantes.

Elle doit respecter les rubriques suivantes :

a/ l’auteur doit d’abord rédiger une adresse composée au minimum des trois éléments suivants : identification de l’auteur, identification du destinataire, souhait ; le souhait peut se limiter au mot : « paix ! » ; on peut lui ajouter celui d’être en bonne santé ;

b/ puis il en vient au sujet principal dont il veut informer le lecteur ; c’ets le corps de la lettre, la partie la plus importante, qui peut s’étendre sur des dizaines de pages ;

c/ il doit achever la lettre par une conclusion agrémentée d’une salutation finale.

Elle ajoute au canevas de la lettre antique une petite section de prière, en général d’action de grâces à Dieu ; cela permet d’établir une relation entre auteur et destinataire basée sur la foi commune, la Providence divine.

Nous avons constaté en lisant de près le tableau des lettres pauliniennes que Paul respectait le canevas de la lettre synagogale (et donc celui de la lettre antique). Mais aussi qu’il ajoute des éléments récurrents, à savoir le souhait de la grâce en plus de la paix

L’élément le plus caractéristique des lettres pauliniennes est le fait que Paul se présente comme un « apôtre » ajoutant que c’est par vocation de la part de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ.

3.4 Plan[11]

1, 1-2 : Adresse ou praescriptum (noter que les destinataires privilégiés sont qualifiés de deux termes intéressants du point de vue ecclésiologique : épiscopes et diacres) ;

1, 3-11 : Prologue : mention d’action de grâces (3-6) / éloge des Philippiens (7-8) / mention de prière (9-11) ;

1, 12-26 : Nouvelles de la situation de Paul, en prison, en fonction de l’évangélisation, seule chose qui compte ;

1, 27-30 : Exhortation liée à situation précédente ; prépare exhortation qui suit : unité (v. 27) et résistance (v. 28) ;

2, 1-18 : Exhortation à l’humilité, l’unité et l’obéissance autour de l’exemple du Christ ;

A = v. 1-5 : Exhortation à l’humilité et à l’unité

B = v. 6-11 : Exemple du Christ

A’ = v. 12-18 : Exhortation à l’obéissance

2, 19-30 (3,1?) : Nouvelles, projets ;

3, 1(2?) – 4, 1 : Mise en garde contre des adversaires judaïsants, sur la base du témoignage de Paul lui-même ;

A = v. 1(2?)-3 : Exhortation préparatoire

B = v. 4-14 : Exemple de Paul

A’ = v. 15-16 : Exhortation conclusive

3,17-4,1 : Exhortation à imiter Paul et à résister aux adversaires pour recevoir la gloire qui vient du Christ.

4, 2-9 : Exhortations diverses et finales ; vv. 8-9 d’origine différente ?

4, 10-20 : Épilogue : Nouvelles : remerciements pour les dons reçus ;

4, 21—23 : Salutations finales ou post-scriptum.

Le vocabulaire de la connaissance, tel qu'on le trouve dans la Lettre aux Philippiens, est composé de ces termes:

Champ sémantique de la joie.

Parénèses.

Nouvelles.

Action de grâces, prières et hymne.

N.B. : Pas de chiasme ou d’inclusion notable.

Le vocabulaire de la connaissance, tel qu'on le trouve dans la Lettre aux Philippiens, est composé de ces termes:

Phronein, hègèsthai, dokimazein / noûs, noèmata, gnônai / gnôsis, epignôsis, cœur, aisthèsis.

Phronein : tr. : avoir dans l’esprit, avoir comme disposition de l’esprit ; kaka phronein : avoir de mauvais desseins ; mikron phr. : être humble ; to auto (ou ta auta) tini phr. : avoir les mêmes vues que qq1. + inf. : projeter de.

Hègèsthai : croire, penser[12], donner de la considération, considérer.

Dokimazein : éprouver, mettre à l’épreuve ; approuver, juger bon.

Epignôsis : action de reconnaître ; connaissance. Voir Rm 1, 28 ; Col 1, 9-10 ; 2, 2 ; 3, 10.

Aisthèsis : perception, connaissance, discernement (hapax NT).

Le vocabulaire de la connaissance, tel qu'on le trouve dans la Lettre aux Philippiens, est composé de ces termes:

Koinônia, koinôneô, synkoinôneô, synkoinônos : 1, 7 ; 2, 1 ; 4, 14.

Synkoinônos, synergos, systratiôtès, symmimètès, synathléô, synchairô : 1, 7.27 ; 2, 18.25 ; 3, 17 ; 4, 3.14

Dans un seul esprit, le même combat, la même charité, une même âme : 1, 30 ; 2, 2.

Discerner une chose unique : 2, 2 ; 4, 2.

Le vocabulaire de la connaissance, tel qu'on le trouve dans la Lettre aux Philippiens, est composé de ces termes:

Mneia : (faire) mémoire (cf. Tassin) : 1, 3.

Spendomai : consacrer en versant une libation, 2, 17. Voir Ez 20, 28 pour l’association avec parfum d’apaisement

Thysia acceptable, agréable : sacrifice, 1, 17 ; 4, 18.

Leitourgia, leitourgos : 2, 17 ; 2, 25.

Latreuô : 3, 3.

Parfum de bonne odeur, d’apaisement : 4, 18.

Paul et les Philippiens sont dans une situation dans laquelle il leur faut faire l’ « apologia » de l’Évangile. Dans ce contexte, tout un ensemble de verbes et de noms relevant de la lutte, du combat sportif, sans toutefois utiliser de termes proprement militaires ni mentionner d’armes.

1, 28.30 : les Philippiens et Paul luttent ensemble (sunathléô) d’un même cœur pour le même combat (agôn) en vue de causer la ruine (apoleia) des adversaires (antikeimenon) et leur salut à eux, même s’il faut pour cela souffrir (1, 29). Dans ce contexte, Épaphrodite a été pour Paul un « co-soldat » (2, 25 – sunstratiôtès).

L’apostolat de Paul est une course et il ne voudrait pas avoir couru en vain (2, 16). Il espère bien que la fidélité des Philippiens sera la couronne qu’il recevra au terme (4, 1). Le but de la course, c’est de « gagner » le Christ, de le « saisir » comme on saisit son adversaire à la lutte. Le but n’est pas encore là (3, 12-14).

Si nous n’avons pas la force de la victoire finale, et s’il est difficile de « tenir-ferme » (stèkô – 1,28 ; 4, 1), le Christ, lui a cette « force qui lui permet de se soumettre toutes choses » (3, 21).

3.5 La prière de Paul. Composition (1, 3-11)[13]

vv. 3-6 : mention d’action de grâces pour la qualité de la foi des Philippiens selon l’Évangile ; expression centrale : « communion pour l’Évangile » ; Paul absent.

vv. 7-8 : éloge des Philippiens dans leur rapport avec l’apôtre ; expression centrale : « associés à ma grâce ».

vv. 9-11 : mention de prière d’intercession (annonce des thèmes à venir) ; expression centrale : « en vue de discerner le meilleur pour le Jour du Christ » ; Paul absent.

3.6 Le corps de la lettre, ch. 2 – 3

Plus exactement 2,1 – 3,1 et 3,2 – 4,1. Forment deux volets : 1- À but d’exhortation à l’humilité et à l’obéissance ; 2- À but doctrinal (mettre en garde contre les discours judaïsants).

Noter le recours fréquent aux images de la course (en stade) et du combat militaire.

Mais vocabulaire de la rédemption inexistant ! Alors que les mentions des souffrances du Christ et de sa mort en croix, liée à la résurrection, sont nombreuses.

4. Enseignement moral

La règle : vivre « dans le Seigneur », « dans le Christ ».

La communion des Philippiens est réelle dans l’ordre de l’annonce de l’Évangile ; elle est insuffisante dans les relations internes à la communauté. Elle apparaît mise en danger par des membres impliqués dans des intrigues (eritheia), comme chez ceux qui profitent de l’emprisonnement de Paul pour s’imposer, des attitudes reflétant la vaine gloire (kenodoxia) et l’égoïsme.

4.1 Agapè et humilité pour la koinônia

Paul souhaite que les Philippiens gardent leur esprit combattif pour la cause de l’Évangile, malgré les souffrances, mais tout en restant purs (litt. sans mélange) et sans reproches, comme des enfants de Dieu (2, 14) et pour cela progressent en discernement à partir de l’agapè. Il y a une échéance incontournable : « le jour du Christ Jésus » ; il faudra avoir acquis le salut, plus important que l’apostolat en tant qu’activité (de combat).

L’agapè est tendresse et compassion ; elle est désintéressement de soi au profit de l’autre, quitte à recevoir ou même à choisir une place inférieure dans les relations sociales (au moins au niveau de l’esprit) ; elle se présente aussi comme poussant le Christ et Paul à exhorter ceux qu’ils aiment à davantage de fidélité à l’Évangile.

Plus précisément, Paul insiste sur la conséquence de l’agapè qui consiste à considérer les intérêts de l’autre supérieurs aux siens propres. C’est une condition indispensable à la communion. Pour cela, il est nécessaire de convertir la manière de penser, la manière de considérer les rapports qui nous lient aux autres ; la prudence qui caractérise l’homme adulte doit être en accord avec les exigences de l’agapè. Les critères de cette prudence se trouvent en particulier dans la contemplation du Christ humilié jusqu’à une « mort de croix ».

À rapprocher de Rm 12, 3-13 :

« Ne vous surestimez pas plus qu’il ne faut vous estimer, mais gardez de vous une sage estime, chacun selon le degré de foi que Dieu lui a départi. Car, de même que notre corps en son unité possède plus d’un membre et que ces membres n’ont pas tous la même fonction, ainsi nous, à plusieurs, nous ne formons qu’un seul corps dans le Christ, étant, chacun pour sa part, membres les uns des autres… 9 Que votre charité soit sans feinte, détestant le mal, solidement attachés au bien ; que l’amour fraternel (philadelphia) vous lie d’affection entre vous, chacun considérant (proègoumenoi) les autres comme plus méritants » (Rm 12, 3-10).

« Pleins d’une égale complaisance pour tous, sans vous complaire dans l’orgueil, attirés plutôt par ce qui est humble, ne devenez pas sages (phronimoi) pour vous-mêmes » (Rm 12, 16).

« Je vous exhorte, moi le prisonnier dans le Seigneur, à marcher dignement de l’appel que vous avez reçu : en toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec charité » (Eph 4, 1-2).

« Vous, les élus de Dieu, ses saints et ses bien-aimés, revêtez les sentiments de compassion, la bienveillance, l’humilité, la douceur, la patience » (Col 3, 12).

« Dans vos rapports mutuels, revêtez-vous d’humilité, car Dieu s’oppose aux orgueilleux, mais aux humbles il accorde sa grâce » (1P 5, 5).

4.2 L’importance d’un discernement approprié à l’agapè vécue dans la communauté

« Le verbe dokimazein est caractéristique du vocabulaire paulinien pour exprimer le point de départ et le mouvement de la liberté chrétienne ; nous traduisons ce verbe comme suit : « éprouver pour voir s’il faut approuver ». On trouve aussi les équivalents anakrinein (juger, faire le tri) et phroneîn (penser, juger, sentir, goûter, apprécier) ».[14]

Cf. Rm 8, 5-8 : « Ceux qui vivent selon la chair phronousin ce qui est charnel ; ceux qui vivent selon l'esprit, ce qui est spirituel. Car le phronèma de la chair [est] mort ; or le phronèma de l'esprit, [est] vie et paix, puisque le phronèma de la chair est inimitié contre Dieu : il ne se soumet pas à la loi de Dieu, il ne le peut même pas, et ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu. »

Il faut avoir de la « modération » : l’epieikeia est la mesure, l’équité, par exemple quand il faut moduler la stricte justice pour tenir compte des capacités des personnes en cause et des situations concrètes.

« Ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner (dokimazein) quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait » (Rm 12, 2). « Si toi, qui arbores le nom de Juif, qui te reposes sur la Loi, qui te glorifies en Dieu, qui connais sa volonté, qui discernes le meilleur, instruit par la Loi, et ainsi te flattes d’être le guide des aveugles, la lumière de qui marche dans les ténèbres, l’éducateur des ignorants, le maître des simples… » (Rm 2, 17-20).

Comment « ne pas être préoccupés » (4, 6) ?

4.3 L’éthique humaine (4, 8)[15]

De manière surprenante, Paul ajoute au programme moral des Philippiens six qualités éthiques caractéristiques de la culture grecque : « Tout ce qu’il y a de vrai (alèthè), [tout ce que] de noble (semna), [tout ce que] de juste, [tout ce que] de pur (agna), [tout ce que] d’aimable (prosphilè), [tout ce que] de discours bienfaisant (euphèma), s’il y a quelque vertu (aretè) et s’il y a quelque louange (epainos), réfléchissez (logizesthe) sur cela » (4, 8).

À prendre ces qualités à la lettre, on risque de se trouver en contradiction avec les principes proprement évangéliques. Donner la première place à la vertu risque de brider la spontanéité de l’agapè. L’aimable selon le sage stoïcien ne correspond pas toujours aux options de miséricorde évangélique. Colossiens (2, 8) condamne la primauté d’une « philosophie selon la tradition des hommes, selon les éléments du cosmos, non selon le Christ ».

Les commentaires se réjouissent de voir cités par Paul ces éléments essentiels de l’éthique grecque, signe de la capacité de l’Évangile à intégrer les éléments positifs des sagesses humaines, mais n’oublient pas de rappeler que leur application doit être relative aux principes évangéliques. Les versets qui suivent (4, 9-10) le formulent sans ambigüité !

4.4 Le combat du chrétien

L’étude de la répartition lexicale nous a permis de constater la relative fréquence du vocabulaire de la lutte, donc vocabulaire sportif, le sport étant proche du combat contre des adversaires. On ne trouve pas de mention d’armes ou d’instruments proprement militaires comme dans la fameuse allégorie de l’hoplite en Eph 6, 10-17 (voir aussi 1 Th 5, 8).

Paul et les Philippiens sont dans une situation dans laquelle il leur faut faire l’ « apologia » de l’Évangile. Dans ce contexte, tout un ensemble de verbes et de noms relevant de la lutte, du combat sportif, sans toutefois utiliser de termes proprement militaires ni mentionner d’armes.

1, 28.30 : les Philippiens et Paul luttent ensemble (sunathléô) d’un même cœur pour le même combat (agôn) en vue de causer la ruine (apoleia) des adversaires (antikeimenon) et leur salut à eux, même s’il faut pour cela souffrir (1, 29). Dans ce contexte, Épaphrodite a été pour Paul un « co-soldat » (2, 25 – sunstratiôtès).

L’apostolat de Paul est une course et il ne voudrait pas avoir couru en vain (2, 16). Il espère bien que la fidélité des Philippiens sera la couronne qu’il recevra au terme (4, 1). Le but de la course, c’est de « gagner » le Christ, de le « saisir » comme on saisit son adversaire à la lutte. Le but n’est pas encore là (3, 12-14).

Si nous n’avons pas la force de la victoire finale, si l’on peut ressentir la frayeur (1, 28 – mè pturomenoi) et s’il est difficile de « tenir-ferme » (stèkô – 1,28 ; 4, 1), le Christ, lui a cette « force qui lui permet de se soumettre toutes choses » (3, 21).

En 51 eurent lieu les Jeux Isthmiques, à Isthmia, bisannuels, sur la côte orientale du Péloponnèse, à proximité de Corinthe, en l’honneur de Poséidon.[16] D’où l’exhortation de Paul aux fidèles de Corinthe : « Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter. Tout athlète se prive de tout ; mais eux, c’est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable. Et c’est bien ainsi que je cours, moi, non à l’aventure ; c’est ainsi que je fais du pugilat : sans frapper dans le vide. Je meurtris mon corps au contraire et le traîne en esclavage, de peur qu’après avoir servi de héraut pour les autres, je ne sois moi-même disqualifié » (1 Co 9, 24-27).

2 Tm 2, 4 : « Dans le métier des armes, personne ne s’encombre des affaires de la vie civile, s’il veut donner satisfaction à qui l’a engagé. De même l’athlète ne reçoit la couronne que s’il a lutté selon les règles. »

4.5 La perspective de l’avènement du « Jour du Seigneur »

Échéance décisive, aboutissement de l’œuvre de Dieu dans le cœur des croyants, qu’il faut attendre ardemment (3, 20), mais Ph ne donne pas de détail sur les modalités de son avènement. Il est proche (3, 20).

Le fait que Paul exhorte les destinataires à s’y présenter « sans mélange » (1, 10) et qu’il espère qu’en ce jour ils seront sa fierté (2, 16) laisse supposer que ce sera jour de jugement et de récompense (nous nous présenterons avec les « fruits de justice », 1, 11), comme souvent ailleurs chez Paul.

Jugement, mais aussi jour de « transfiguration » de nos corps d’humiliation (3, 21), de sorte que nous pourrons partager le statut glorieux du Christ jusque dans notre corporéité.

4.6 Comment progresser ?

Paul reconnaît que le progrès, la fermeté dans l’épreuve sont un fruit de l’action de Dieu qui « opère (energei) en vous et le vouloir et l’agir » (to thelein kai to energeîn) et cela par bienveillance (eudokia, 2, 13) car « Celui qui a commencé en vous cette œuvre bonne l’accomplira jusqu’au Jour du Christ Jésus » (1, 6). « Je puis tout en celui qui me rend fort » (4, 13). C’est Dieu qui « accorde, gratifie » (charizomai) le don de la mission, y compris dans sa dimension d’adversité qui exige une attitude de combattant acceptant la souffrance inhérente (1, 28-29).

Distinguer « opérer » (energeîn) et « faire » (poiein).

« Il y a diversité de charismes, mais c’est le même Esprit ; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations (energèmata), mais c’est le même Dieu opérant (energôn) tout en tous… Tout cela, l’unique et même Esprit l’opère (energei), distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l’entend. » (1Co 12, 4-6.11).

« C’est en lui que nous avons été mis à part, désignés d’avance, selon le plan préétabli de Celui qui mène (energountos) toutes choses au gré de sa volonté » (Eph 1, 11). « Selon la vigueur de sa force, qu’il a déployée (energèsen) en Christ, le ressuscitant d’entre les morts et le faisant siéger à sa droite, dans les cieux » (Eph 1, 19-20). « Dans lesquels vous avez vécu jadis, selon le cours de ce monde, selon le prince de l’empire de l’air, cet esprit agissant (energountos) en ceux qui résistent... » (Eph 2, 2). « À Celui dont la puissance agissant (energoumenèn) en nous est capable de faire (poiein) bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir… » (Eph 3, 20). « Pour cette cause je me fatigue à lutter, selon son énergie (energeia) agissant (energoumenèn) en moi avec puissance (dynamis) » (Col 1, 29).

« La Parole de Dieu… agit (energeitai) en vous, les croyants » (1Th 2, 13).

« Quand nous étions dans la chair, les passions pécheresses qui se servent de la Loi opéraient (energeito) en nos membres afin que nous fructifiions pour la mort » (Rom 7, 5). « La mort agit (energetai) en nous, et la vie en vous » (2Co 4, 12). « La foi opérant (energoumenè) par la charité » (Ga 5, 6).

5. Paul témoin de l’Évangile et son rôle auprès de la communauté

5.1 La place de Paul par rapport à la communauté

Paul ne cache pas son attachement affectueux pour les Philippiens. « Je vous porte en mon cœur… Je vous désire tous dans les entrailles du Christ Jésus » (1, 7.8). Sans nul doute, il partage avec eux la « consolation dans le Christ », une charité capable de persuader les hésitants et les récalcitrants, et même la tendresse et la compassion (2, 1-2). Il peut les qualifier de « bien-aimés » (2, 12 et 4, 1), de « frères tant désirés » (4, 1).

Du coup, plutôt que de se plaindre des souffrances qu’il endure, il préfère se concentrer sur la joie de voir l’avancement des fidèles et cette joie est grande (2, 17).

Que Paul prenne l’initiative de se donner lui-même en exemple irrite certains lecteurs modernes, en particulier ceux qui n’ont pas une totale confiance en sa fidélité à l’Évangile prêché par le Christ. Cette initiative est évidemment fondée sur la vive conscience qui l’habitait, celle d’avoir bénéficié d’une connaissance du Christ le plaçant à l’égal des apôtres pour ce qui concerne la faculté à interpréter fidèlement ce qui a été transmis au nom du Seigneur et le mode de vie convenant à un authentique disciple du Maître. Un peu avant la rédaction de Philippiens, il s’adressait ainsi à ses fidèles de Corinthe : « Ne suis-je pas libre ? Ne suis-je pas apôtre ? N’ai-je donc pas vu Jésus, notre Seigneur ? N’êtes-vous pas mon œuvre dans le Seigneur ? Si pour d'autres je ne suis pas apôtre, pour vous du moins je le suis ; car c'est vous qui, dans le Seigneur, êtes le sceau de mon apostolat » (1Co 9, 1-2). Deux chapitres plus loin, il sera plus explicite : « Devenez mes imitateurs comme je le suis moi-même de Christ » (11, 1).

Fort de cette conviction en même temps que persuadés d’être compris de ceux de Philippes, il peut leur écrire : « Devenez ensemble mes imitateurs… comme vous avez un exemple en nous » (3, 17). « Ce que vous avez appris, ce que vous avez reçu, ce que vous avez entendu de moi, mettez-le en pratique ; et le Dieu de la paix sera avec vous » (4, 9). Aux Galates, il aura des paroles semblables : « Devenez comme moi, puisque je [me suis fait] comme vous, frères, je vous en supplie » (4, 12).

Une remarque doit être avancée au préalable à tout essai d’évaluation de ce fait : Paul ne se présente comme exemple que face aux membres des communautés qu’il a fondées. À l’égard des Corinthiens, on peut dire qu’il le fait dans le prolongement de sa paternité qui les lie à eux (voir 1 Co 4, 15).

Chez les Philippiens, Paul s’appuie sur leur souci de réjouir leur apôtre, de le rendre fier d’eux (2, 16-17) ; il pourra leur écrire qu’ils sont « sa joie et sa couronne » (4, 1).

5.2 Paul et l’Évangile[17]

À plusieurs reprises dans la Lettre aux Philippiens, Paul exprime avec conviction combien il se considère intimement lié au défi de la diffusion de l’Évangile dans le monde grec : 1, 7.12.16 ; 2, 22 ; 4, 3. Avec ses fidèles de Philippes, il travaille à sa « défense (apologia) » (1, 7.16) et à son « affermissement » (1, 7).

Dans son adresse aux Romains, il se définira en fonction de cette mission d’évangélisation : « Paul, serviteur de Jésus Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour [annoncer] l’Évangile de Dieu… Dieu m’en est témoin, lui à qui je rends un culte en mon esprit en annonçant l’Évangile de son Fils » (Rm 1, 1.9). Un peu plus loin, il proclamera les lettres de noblesse de l’Évangile : « Je n’ai pas honte de l’Évangile : il est puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1, 16).

Quel est le fondement de cette paternité qui, aux yeux de Paul, rend légitime sa prétention à être un exemple pour les Corinthiens ? C’est la fonction d’engendrement de la parole d’Évangile : « Quand vous auriez dix mille pédagogues en Christ, vous n’avez pas plusieurs pères. C’est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés en Jésus Christ » (1Co 4, 15). « Je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l'Évangile, afin d'en avoir ma part » (1Co 9, 22-23).

À la fin de la Lettre aux Romains, il rédigera ces versets célèbres, qui recentrent radicalement et définitivement la notion de liturgie : « Je vous ai écrit assez hardiment par endroits, comme pour raviver vos souvenirs, en vertu de la grâce que Dieu m'a faite d'être un officiant (leitourgos) du Christ Jésus auprès des païens, exerçant-le-ministère (ierourgôn) de l'Évangile de Dieu, afin que les païens deviennent une offrande agréable, sanctifiée dans l'Esprit Saint. Je puis donc me glorifier dans le Christ Jésus en ce qui concerne l'œuvre de Dieu. Car je n'oserais parler de ce que le Christ n'aurait pas fait par moi pour obtenir l'obéissance des païens, en parole et en œuvre, par la vertu des signes et des prodiges, par la vertu de l'Esprit de Dieu : ainsi, depuis Jérusalem en rayonnant jusqu'à l'Illyrie, j'ai accompli (peplèrôkenai) l’Évangile du Christ » (Rm 15, 15-19).

« Le service (diakonia) de cette offrande (leitourgia) ne pourvoit pas seulement aux besoins des saints ; il est encore une source abondante de nombreuses actions de grâces envers Dieu. Ce service leur prouvant ce que vous êtes, ils glorifient Dieu pour votre obéissance dans la profession (homologia) de l'Évangile du Christ et pour la générosité de votre communion avec eux et avec tous » (2Co 9, 12-13).

La cause de l’Évangile, c’est le Christ lui-même, Sauveur : « Si notre Évangile demeure voilé, c'est pour ceux qui se perdent qu'il est voilé, pour les incrédules, dont le dieu de ce monde a aveuglé l'entendement afin qu'ils ne voient pas briller l'Évangile de la gloire du Christ, qui est l'image de Dieu. Car ce n'est pas nous que nous prêchons, mais le Christ Jésus, Seigneur ; nous ne sommes, nous, que vos serviteurs (doulous), à cause de Jésus » (2 Co 4, 3-5).

C’est le fondement même de sa relation avec les Philippiens, la base de la communion, en particulier dans la situation commune de combat. De la sorte, l’Évangile est davantage qu’une « bonne nouvelle » ; il est plus qu’un simple discours, même ayant Dieu pour auteur ; il est Parole de Sagesse, celle de Dieu, accompagnée de sa « puissance » (Rm 1, 16-17) dans l’Esprit Saint. Car, par lui, c’est le mystère pascal, passage par la mort et la résurrection, qui est donné à connaître pour y participer.

5.3 Paul face à la mort

Le ch. 3, à la suite des confidences de Paul sur la manière dont il considère son emprisonnement comme extrêmement bénéfique au ch. 1, est un chef d’œuvre de « confessions ». D’autant plus qu’il semblerait sinon proposer son point de vue en exemple, au moins ne pas se considérer comme un cas spécial, inaccessible aux baptisés.

Il est cependant sans doute utile de noter que Paul reste extrêmement discret sur toute incursion dans la manière de comprendre la vie après la mort.

6. L’hymne christologique (2, 6-11)

N.B. : Il est vraiment indispensable, si on veut lire de près l’hymne christologique de se baser non seulement sur une bonne traduction mais aussi sur une disposition des mots qui corresponde aussi étroitement que possible à celle du texte original. Le commentaire le montrera.

6.1 Introduction

L’hymne de la lettre aux Philippiens tranche sur le reste de la lettre par le fait qu’il quitte le domaine de la pratique évangélique des fidèles pour se consacrer au Christ et cela de manière dogmatique. De plus, le rythme des phrases et le schématisme du double mouvement qui y est décrit s’ajoutent à la densité exceptionnelle du contenu christologique et produisent sur le lecteur un effet saisissant.

6.2 Contexte

Il faut étudier l’hymne en tenant compte de son contexte parénétique ; on mettra alors l’accent sur les dispositions du Christ dans son abaissement et son exaltation, sans recherche active d’exaltation. Paul entend bien décrire un acte de suprême de renoncement, un refus de viser ses propres intérêts et une totale soumission à Dieu.

J.-N. Aletti : L’hymne est encadré par deux exhortations (v. 1-5 et v. 12-18) dont les deux termes principaux : humilité et obéissance se retrouvent dans l’hymne lui-même (« il s’humilia… devenu obéissant » – v. 8). Cf. aussi la structure concentrique identique en 3, 2-16. JNA insiste sur le fait que l’hymne est délibérément placé au centre de la section ; la mise en valeur de l’exemple du Christ est précédée et suivie d’une exhortation. Le verbe clef est celui de la réflexion en vue d’une décision pratique : phronein (10x en Ph) et ègeisthai (6x en Ph). Il le définit donc plus comme un « éloge à finalité éthique » (enkômion) que comme un hymne. Pourquoi ne serait-il pas de Paul ?

6.3 Analyse littéraire

Pour la plupart des spécialistes, l’hymne est préexistant à Paul. On y note en effet un vocabulaire et un style rares chez l’apôtre. Sur le fond, selon Lohmeyer et Bonnard, cet hymne suppose une théologie du Serviteur plus ancienne que la théologie paulinienne tout comme l’utilisation d’Is 53 dans Rm 4, 25, Ga 2, 20 et Eph 5, 2 n’est que l’écho d’une tradition antérieure. Voir encore 2 Co 8, 9 : le Christ riche s’est fait pauvre pour nous.

Le rythme de l’hymne correspond à la métrique hébraïque, ainsi que les assonances et la méthode du parallélisme (placer les mots et les idées en parallèle d’une phrase à l’autre). Voir aussi 1 Co 1, 26-31 ; 2 Co 11, 21-29.

Selon S. Légasse, « il est possible de la retraduire en araméen. Par ailleurs elle ne puise pas ses matériaux en dehors des sources classiques du judaïsme ; bien plus, telles formules bibliques qu’on y trouve ne correspondent pas à la traduction de la Bible en grec connue des Juifs de la Diaspora. Aussi bien n’a-t-on pas hésité à identifier ici une pièce née dans la plus ancienne communauté de Palestine et d’expression araméenne. À tout le moins doit-on reconnaître que ce morceau dérive d’un secteur et d’un milieu où l’emploi du grec côtoyait celui de l’araméen. C’était alors le cas en Syrie, et il est probable que Paul a recueilli cet hymne dans sa forme grecque lors de ses séjours à Antioche, où il était en contact avec la communauté judéo-chrétienne de cette ville » (C.E. 33, p. 23).

6.4 L’arrière-fond

En composant l’hymne, le ou les auteurs avaient à l’esprit des figures et des formules vétérotestamentaires qui les ont été à formuler ce qu’était le Christ pour eux. Les découvrir nous apporte une aide précieuse, indispensable même. Cependant, il faut reconnaître que ces références sont peu explicites et de plus transposées dans l’hymne de façon "incomplète", de manière partielle et fondue dans le reste du discours. C’est pourquoi il est difficile de prouver que les parallèles que l’on devine permettent de dégager son arrière-fond immédiat avec certitude.

Ainsi, la plupart des exégètes étudient le contenu de l’hymne en fonction d’un arrière-fond constitué de deux figures vétérotestamentaires : d’une part, Adam dans son attitude de désobéissance (Gn 3, 5 : « vous serez comme des dieux » – e;sesqe w`j qeoi.) associée, de manière plus lointaine, à la chute de Satan ; d’autre part, le Serviteur souffrant d’Isaïe, fidèle à son Dieu jusqu’à souffrir la mort de sorte que Dieu lui a préparé une récompense exceptionnelle (Is 52, 13 – 53, 12). L’un et l’autre thèmes sont en accord avec la tradition vétérotestamentaire qui affirme que Dieu accorde la récompense à celui qui accomplit sa volonté. On rapproche aussi la figure du Juste souffrant des Psaumes.

Certains exégètes invoquent un troisième arrière-fond, thématique mais invisible au niveau strictement littéraire : l’hymne serait une proclamation de la part des chrétiens d’origine juive en milieu hellénistique (contexte de Philippes) du Christ Seigneur face à la prétention des rois et empereurs à exercer la domination : ils ne peuvent rien contre le plan de Dieu en Jésus-Christ (Vollenweider, Barclay).[18]

Il nous faudra consacrer des lignes précises à la manière dont le Christ est comparé à Adam et au Serviteur de Yahvé.

Pour la suite de ce commentaire, il faut avoir à portée de main, la traduction et la mise en forme de l'hymne publiée à l'adresse suivante: http://biblissimo.over-blog.com/2015/04/traduction-hymne-philippiens.html

6.5 Composition

Nous le disions plus haut, il est indispensable, pour la bonne compréhension de l’hymne de maîtriser sa structure littéraire, en particulier la manière dont les mots sont répartis.

Il n’est pas difficile de repérer dans l’hymne deux strophes successives correspondant à deux mouvements eux aussi successifs : les versets 6 à 8 décrivent l’abaissement du Christ, jusqu’à sa mort ; les versets 9 à 11 proclament son exaltation par Dieu. Une conjonction importante marque le passage de l’un à l’autre : « C’est pourquoi… » Aussitôt après cette conjonction, les phrases sont gouvernées par le sujet nommé en premier, Dieu, de sorte que, dans l’action décrite, celui-ci prend le relai de Jésus comme acteur principal des actions.

La première strophe peut être articulée en deux étapes :

a) "En forme de Dieu subsistant... forme d'esclave prenant"

b) "En ressemblance des hommes ayant été... et une mort de croix!"

On note que Jésus est le sujet des verbes, même s’il n’est pas nommé : il a l’initiative de la situation dans laquelle il a vécu.

Cette partie de l'hymne utilise successivement trois termes semblables : forme, ressemblance et figure. Il faudra se demander pourquoi il n’a pas utilisé celui d’ "icône" ou "image" (en grecn eikôn).

Elle est elle aussi composée de deux étapes, l'une et l'autre consistant de deux éléments :

a) le double agir de Dieu qui exalte et donne le Nom ;

b) la réaction du créé en réponse à ce double agir : l’adoration et la confession du Nom.

La deuxième étape b) est une amplification de la première a).

Ce qui donne le schéma suivant :

a) Réaction divine:

Dieu exalte

et donne le Nom

b) Réaction du créé (afin que):

adoration (tout genou fléchira)

et confession (toute langue dira…)

Dieu a l’initiative principale ; Jésus Christ est en position de réception ; les genoux et les langues (= tout) obéissent.

La deuxième strophe contient deux conjonctions, deux marqueurs « logiques » : « voilà pourquoi » et « afin que… ».

La première, voilà pourquoi, relie le deuxièmement mouvement au premier, affirmant qu’il en est la récompense sous la forme de l’exaltation et du don du Nom divin. La deuxième, afin que, oriente la pensée vers l’avenir et le but final de l’un et l’autre mouvements : l’adoration du Christ par l’ensemble du monde créé. Ce qui est introduit par « afin que » apparaît alors comme ce qui donne à l’hymne tout son sens ; c’est d’autant plus remarquable qu’on aurait attendu dans la première strophe une autre forme de formulation de finalité : le Christ s’est humilié, est devenu obéissant, est mort afin de

6.6 Interprétation

La première des expressions christologiques de l’hymne dit de Jésus que son abaissement volontaire s’est effectué sur la base d’une situation en morphè theou, soit, en traduction littérale, « en forme de Dieu ». Que désigne cette expression tout à fait inhabituelle ? Et donc comment comprendre cette « forme » de Dieu dans laquelle Jésus se trouvait – ou se trouve ?

En fait, il nous faut analyser ensemble les trois noms utilisés successivement pour qualifier les différentes situations dans lesquelles le Christ nous est présenté : morphè, skhèma et homoiôma. Très certainement, conformément au style liturgique de l’hymne, ces trois noms seront quasi-synonymes.

Morphè. La consultation des dictionnaires de grec ancien et hellénistique permet de recueillir ces trois sens du substantif morphè :

1- essence ; 2- condition ; 3- aspect, traits. Le célèbre dictionnaire de grec biblique « Moulton et Milligan » : le terme avait pris dans le grec tardif un sens vague et général éloigné de celui qu’il avait chez Platon et Aristote, mais il met toujours en relation étroite la forme avec l’être qui lui est sous-jacent. Morphè, utilisé dans un contexte philosophique, désigne « ce par quoi nous connaissons ou distinguons quelque chose. » Il diffère ainsi de deux termes qui lui sont très proches, l’un et l’autre présents dans l’hymne de Philippiens : skhèma, qui évoque une forme plus extérieure, une apparence, éventuellement ce qui couvre le corps, son vêtement[19], et eikôn.

Le terme est donc en soi trop vague et on ne peut se contenter de laisser tel : il faut lui trouver une expression plus précise, et donc l’interpréter. Et cela en restant autant que possible dans le cadre des écrits pauliniens. Quelles y sont les autres occurrences de morphè et des termes associés ?

Ga 4, 19 : Le Christ doit être formé (morphôthè) en vous.

Rm 8, 29 ; Ph 3, 10 : Il faut devenir conformes (summorphous) à l’image de son Fils.

2 Co 3, 18 : « Contemplant la gloire du Seigneur, nous sommes métamorphosés (metamorphoumétha) en la même image (eikôn). »

Pour ce qui est de skhèma :

« Ces gens-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs transfigurés (metaskhèmatizômenoi – camouflés, TOB, déguisés, BJ, RSV) en apôtres du Christ » (2 Co 11, 13).

Rm 12, 2 : Le chrétien n’adopte pas le skhèma du monde présent (metaskhèmatizesthai) mais il est métamorphosé par le renouvellement de l’esprit (metamorphousthai).

Ph 3, 21 : Notre corps d’humiliation sera transfiguré (metaskhèmatizein) pour être métamorphosé (metamorphousthai) en corps glorieux.

1 Co 7, 31 : « Elle passe, la figure (skhèma) de ce monde. »

Comparer 2, 6 et 3, 20-21 :

Ph 2, 6

hyparchôn en morphè de Dieu,

ayant pris morphè d’esclave

et trouvé à son schèma comme homme

que tout genou fléchisse

Kyrios Jésus Christ

Ph 3, 20-21

Notre citoyenneté hyparchei dans les cieux

d’où ns attendons co Sauveur et Kyrios Jésus-Christ

qui metaschèmatisei le corps de notre humilité

conforme à son corps de gloire

selon l’énergie qui lui permet de se soumettre tout

Attention : puisque Paul connaît déjà la théologie de l’Image, eikôn, pourquoi n’a-t-il pas utilisé ce terme plutôt que morphè ? Parce qu’il lui fallait utiliser le même terme qu’en 7b, à propos du statut d’esclave, pour lequel eikôn ne pouvait en aucun cas convenir. N’empêche qu’il pouvait comprendre morphè au sens de forme-image. Ainsi en 2 Co 3, 18.

Homoiômati : Équivaut plus ou moins à eikôn, mais insiste davantage sur la conformité existant entre l’original et la copie, et sur l’aspect concret de cette ressemblance, à savoir la visibilité. Voir Rm 8, 3 : « Dieu, en envoyant son propre Fils dans une ressemblance (en homoiômati) de chair de péché et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair... » La ressemblance porte non sur la chair comme telle mais sur le fait que la chair du Christ ressemble à la chair pécheresse de l’homme.

Hyparchôn : participe présent, avec verbe principal à l’aoriste ékénôsen : aoriste qui renvoie à une décision volontaire du Christ.

Quel est l’usage d’hyparchein chez Paul ? Mentionnons trois passages assez proches de celui de Ph 2, 6.

Rm 4, 19 : Abraham, étant (hyparchôn) âgé de 80 ans…

1 Co 7, 26 : Je pense ceci être (hyparchein) une bonne chose…

1 Co 11, 18 : J’entends qu’il y a (hyparchein) des schismes parmi vous …

Dans ces passages, et selon leur contexte, hyparchein ne se rapporte pas à une dimension métaphysique de la réalité, encore moins dans le sens d’une préexistence ; son sens est plutôt prédicatif, équivalent à être, le participe présent ôn chez Paul ayant tous les degrés et tous types de sujets/attributs. De plus, il s’agit de situations provisoires. Enfin, il n’est jamais utilisé pour décrire un mode d’être ou d’action de Dieu.

6.7 Le sens de harpagmon hègèsato

Harpagmon est un terme rare ; il est tiré du verbe harpazô. On se demande s’il faut l’entendre comme terme de type actif (une « proie » – dans le sens où l’oiseau n’a pas encore saisi l’animal) ou passif (dans le sens où un butin est déjà en la possession du vainqueur – alors synonyme de harpagma) ? Il semblerait que nous n’ayons pas assez de documents à notre disposition pour décider de manière sûre. Moulton-Milligan, sur le témoignage des papyrus et des écrivains de l’époque hellénistique : beaucoup de substantifs se terminant par –mos ont pris un sens passif ; donc harpagmos et harpagma sont souvent synonymes : prise, butin, dépouille. Cependant, dans la majorité des cas, le sens reste actif. C’est donc le contexte qui doit guider le choix.

– Usurpation, proie (sens actif) ; – bien à retenir jalousement (sens passif) ; – bien à conquérir (something to be grasped – sens actif) ; – situation avantageuse à exploiter (voir Rm 15, 3). Proie, butin ?

Jean Chrysostome ; Augustin (à la suite d’Ambroise), puis à sa suite la majeure partie de la tradition latine (Thomas d’Aquin) : Ph 2,6 affirme que l’abaissement du Christ ne doit pas être compris comme une attitude de repentance de sa part, comme si le Christ avait auparavant usurpé la divinité et donc devait s’en repentir ; non, il la possède du fait même d’être dans la forme de Dieu.

Autre interprétation : « Le Christ, se trouvant dans la forme de Dieu, ne songea pas à tirer profit de son égalité avec Dieu » (A. Feuillet, p. 129). Une manière de concilier les deux facettes (actif et passif), puisque « tirer profit » évoque une action tandis que « égalité avec Dieu » est considéré comme un bien déjà en possession. Ou encore M.D. Hooker : Le Christ n’eut pas besoin, comme Adam, de vouloir s’approprier une condition qu’il possédait déjà.

Proposition courante : « Le Christ Jésus, parce qu’il était dans la forme de Dieu, ne considéra pas une usurpation d’être égal à Dieu ; cependant, il s’anéantit. » Il y a une antithèse entre les deux membres de la phrase. On part de la Personne préexistante, qui ensuite s’anéantit… Suppose qu’il « est comme Dieu ». Mais J.-N. Aletti fait remarquer que « le sens actif ne va pas avec le contexte, car le Christ ne peut pas usurper ce qu’il possède » (p. 156).

6.8 Être à l’égal de Dieu

La deuxième ligne de l’hymne consiste en un verbe principal, hègèsato, suivi d’une infinitive complétive ayant la fonction de deuxième objet du verbe principal. L’infinitive reprend le premier syntagme de l’hymne : en morphè theou (utilisation "anaphorique"[20]) duquel il est quasiment synonyme.

De manière étonnante, l’auteur ne parle pas d’un « privilège d’être l’égal de Dieu » mais d’un privilège « d’être en forme égale à celle de Dieu ». Autrement dit, au lieu de l’adjectif isos, qui signifie proprement « égal, de même niveau ou degré », il utilise l’adverbe « isa » qui en est tiré. Cela mérite une explication précise, tellement les conséquences dogmatiques en sont immenses.

Isa est souvent employé avec le même sens que hôs, « comme ». Exemples : Job 40, 15 : « Béhémoth mange de l’herbe « comme les bœufs ». 30, 19 : « Il m’a considéré égal à la glaise ». 15, 16 : l’homme « qui boit l’impiété comme de l’eau ». 2 Mac 9, 15 : Antiochus voulait faire des Juifs « égaux aux Athéniens ». Dt 13, 7 : l’ami est « égal à ton âme ».

On voit aussitôt la différence avec Jn 5, 18 : les Juifs accusent Jésus de se faire « égal de Dieu », avec l’adjectif ison et non l’adverbe isa. Jérôme garde le sens de « égal à » mais il limite l’expression à la condition humaine du Christ quand il dit qu’il faut entendre l’expression au sens de : être traité à l’égal de Dieu.

De plus, il est sans doute probable qu’il faille retrouver dans la paire isa et hôs la même quasi-synonymie que nous avons constatée entre les trois noms décrivant la situation du Christ.

Paul ne précise pas le genre de rapport qui existe entre la condition d’égalité avec Dieu et la forme divine ou le titre de Seigneur, et il n’indique pas à quoi le Christ a renoncé. Du coup il est difficile d’affirmer avec totale certitude que l’hymne part du statut d’existence éternelle du Christ ; la position selon laquelle il n’y a de « morphè theou » que dans le cadre de la condition de créature semble la plus sûre.

6.9 S’agit-il du Christ préexistant ou déjà dans sa mission terrestre ?

L’acte de départ du mouvement qui donne le point de repère temporel correspond à la décision de la part du Christ de ne pas considérer… Cet acte de phronèsis (voir les vv. 1-4) qui a conduit à la décision de la kénose est-il un acte à situer chronologiquement avant l’incarnation ou après ? Autrement dit, les v. 6-8 démontrent-ils une succession temporelle, ou bien une description d’un statut dans ses différentes composantes mises en rapport avec la décision ? Attention : la traduction française utilise un verbe au passé, mais, en grec, le verbe est à l’aoriste, aspect qui désigne la modalité de l’action non sa place dans la chronologie ; donc l’acte de décision n’est pas nécessairement à placer avant celui de l’abaissement. L’analyse du texte privilégie la deuxième solution.

Un argument tiré de la christologie de Paul : dans le contexte de Ph 2-3, l’hymne joue le rôle de paradeigma (exemple) ; or, c’est toujours le Christ terrestre que Paul donne en exemple : Rm 15, 7 (?) ; 2 Co 8, 9 ; Col 3, 13 (?) ; Ep 5, 2.

Argument théologique : Dieu a-t-il une « morphè », une forme ? On n’est pas en métaphysique mais en théologie biblique, et on ne s’astreint pas à la rigueur conceptuelle. Cependant, l’expression « forme de Dieu » pour désigner son essence, son être divin, sonnerait très mal aux oreilles d’un rabbin…

J.-N. Aletti résume l’ensemble de la première étape : « Une fois conjuguées, les informations jusqu’ici glanées nous orientent vers une bonne interprétation du syntagme : si les premiers Pères l’ont interprété du Christ incarné, si le vocable morphè dénote corporéité et visibilité, si d’autre part le participe hyparchôn n’est jamais utilisé par Paul pour les énoncés concernant Dieu, cela signifie très probablement que en morphè theou hyparchôn désigne la condition divine du Christ incarné – et non celle du préexistant. Non que le syntagme nie la préexistence : il n’en parle pas, car tel n’est pas son propos » (JNA, p. 154).

L’expression dénote « un faire-valoir, l’utilisation d’une situation ou d’un statut pour l’avantage ou le profit qu’on en tire » (p. 156). Il conclut : en prenant en considération d’autres énoncés pauliniens au style paradoxal (entre autres 2 Co 8, 9), construits sur une forte opposition, il vaut mieux considérer la participiale de Ph 2, 6 comme une concessive : « Bien qu’étant en condition de Dieu, il ne considéra pas comme quelque chose à utiliser pour son propre profit d’être égal à Dieu » (p. 158).

6.10 La figure du Serviteur d’Is 53 en arrière-fond ?

L’interprétation de l’hymne doit prendre en compte la mise en relation de Jésus avec la figure du Serviteur de Yhwh en Is 52-53.

Tous les exégètes ne sont pas d’accord pour déceler cet arrière-fond. Les arguments en faveur du rapprochement sont les suivants :

1/ Comme le Serviteur, le Christ a accompli sa mission à la manière d’un esclave, Is 53, 11 : « douleuonta » ;

2/ Comme lui, il s’est abaissé, humilié, 53, 8 : « en tèi tapeinôsei) ;

3/ Leur mouvement d’abaissement et d’exaltation a Dieu comme responsable, même de manière lointaine dans le cas du Christ ;

4/ La deuxième partie de l’hymne, Ph 2, 9-11, renvoie nettement à autre passage du même livre prophétique (Is 45, 23-24).

A. Feuillet tient fermement au rapprochement et en résume les éléments qui le justifient. Outre ce qu’on vient de signaler, pour lui, le syntagme heauton ekenôsen correspond exactement à he’erâh naphshô de 53, 12, donc avec le sens de « sacrifier sa vie ».[21]

Il y a cependant des différences, et il faut en tenir compte avant de conclure de manière trop rapide. Deux différences importantes : 1/ une différence de statut : le Serviteur de Yhwh est humilié par Dieu tandis que le Christ s’est humilié par lui-même ; 2/ une différence dans les missions respectives : pour faire accepter les souffrances du Serviteur dans le plan de Yhwh, le prophètes affirment qu’elles sont salvifiques, ce qui n’est pas dit de celles du Christ.

Pour ce qui concerne cette deuxième différence, on peut invoquer une raison : Paul aurait voulu tenir compte d’une autre figure, celle du Juste souffrant (surtout dans les Psaumes), dont l’épreuve n’est jamais déclarée expiatrice ?

6.11 L’interprétation adamique

La très grande majorité des exégètes rapprochent ce qui est dit du Christ en Ph 2, 6-11 de la figure d’Adam dans les chapitres 1 à 3 de la Genèse.[22] De fait, il n’est pas difficile de mettre les deux personnages en parallèle, à condition de voir aussi les différences. Ce rapprochement est à la base du commentaire de S. Légasse, dans le n° 33 des Cahiers Évangile (p. 25).

Adam était dans une « condition de dieu » par participation, ne connaissant pas le mal, la mort ; mais il a voulu se l’approprier pour être l’égal de Yhwh ; il a donc cherché à s’élever, à se glorifier. La conséquence a été son rejet de la part de Dieu.

Pour J. Murphy-O’Connor, Christological Anthropology, c’est par le prisme du courant sapientiel que la figure d’Adam est passée dans la christologie paulinienne.

J.-N. Aletti : il faut reconnaître que l’hymne n’a aucune attache lexicale avec Gn 1-3. J.D.G. Dunn précise : comme dans l’hymne de Colossiens (1, 15-20), Paul s’exprime par allusions.

Sg 2, 23-24 : Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il en a fait une image (ikôn) de sa propre nature ; c’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui lui appartiennent !

Rm 8, 3-4.18-21 : Dieu, en envoyant son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair, afin que le précepte de la Loi fût accompli en nous dont la conduite n’obéit pas à la chair mais à l’esprit… J’estime en effet que les souffrances du temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous. Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité – non qu’elle l’eût voulu, mais à cause de celui qui l’y a soumise – c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu.

1 Co 15, 42.47-49 : Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts : on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité… 47 Le premier homme, issu du sol, est terrestre, le second, lui, vient du ciel. Tel a été le terrestre, tels seront aussi les terrestres ; tel le céleste, tels seront aussi les célestes. Et de même que nous avons porté l’image (ikôn) du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste.

Ga 4, 3-4 : Durant notre enfance, nous étions asservis aux éléments du monde. Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale.

Hb 2, 7-9 : Tu l’as un moment abaissé au-dessous des anges. Tu l’as couronné de gloire et d’honneur. Tu as tout mis sous ses pieds. Par le fait qu’il lui a tout soumis, il n’a rien laissé qui lui demeure insoumis. Actuellement, il est vrai, nous ne voyons pas encore que tout lui soit soumis. Mais celui qui a été abaissé un moment au-dessous des anges, Jésus, nous le voyons couronné de gloire et d’honneur, parce qu’il a souffert la mort : il fallait que, par la grâce de Dieu, au bénéfice de tout homme, il goûtât la mort.

Ps 8, 5b-6 : Qu’est le mortel, que tu t’en souviennes, le fils d’Adam, que tu le veuilles visiter ? À peine le fis-tu moindre qu’un dieu ; tu le couronnes de gloire et de beauté, pour qu’il domine sur l’œuvre de tes mains ; tout fut mis par toi sous ses pieds…

1 Co 15, 25-27 : Il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi détruit, c’est la Mort ; car il a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu’il dira : " Tout est soumis désormais ", c’est évidemment à l’exclusion de Celui qui lui a soumis toutes choses… 45 C’est ainsi qu’il est écrit : le premier homme, Adam, a été fait âme vivante ; le dernier Adam, esprit vivifiant.

H. Ponsot : Paul lit texte de Gn 2-3 de manière nouvelle. Le plus souvent, on traduit ce verset de la manière suivante : « Lui, qui était de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu », et l’on comprend la suite du texte comme une référence à l’Incarnation du Verbe. Entre autres difficultés, il devient alors difficile de comprendre ce que peut être non pas l’exaltation, mais l’hyper- ou surexaltation du verset 9. Il existe une autre manière de voir les choses : la morphè theou dont il est question en ce verset 6 représente certes une condition particulière, mais peut-être moins celle du Verbe que celle d’Adam avant la chute, créé à l’image de Dieu (les deux termes, morphè et eikôn, sont très proches, sinon échangeables) ; en outre, l’harpagmon du verset 6b peut évoquer une condition possédée, mais aussi bien une condition qui pourrait être atteinte, une proie à saisir, la possibilité d’être « comme des dieux » (cf. Gn 3, 5). Si bien que le verset 6 se prête à une tout autre traduction, qui va offrir de nouvelles perspectives d’interprétation : « Lui, qui était dans la forme de Dieu, n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu »...

Nous voici clairement face à une interprétation du texte de la Genèse, mais elle est nouvelle. Ce qui est en effet évoqué au début de cette hymne, c’est la condition humaine d’avant le péché, une condition que l’on peut qualifier « d’impeccable » : cette condition, Jésus l’a épousée, puisqu’il est lui aussi sans péché. Il reprend l’œuvre d’Adam là même où elle doit être reprise, avant la chute : il le peut puisqu’il est sans péché.

6.12 « Il s’est vidé »

De quoi ? Le complément manque. C’est la phrase suivante qui permet de dire quelque chose de ce à quoi il a renoncé : à une condition de kyrios pour prendre condition d’esclave.

On insiste sur le fait que cette action d’être vidé est l’effet d’une décision libre du Christ, celle de se manifester non comme kyrios mais comme doulos avec toutes les implications liées à cette condition.

H. Ponsot : Le verset 7 nous présente la première et unique kénose dont il est question dans la version primitive de cette hymne, celle qui est susceptible d’être proposée en modèle aux Philippiens et qui consiste, à la différence d’Adam, à ne rien rechercher comme dû, à ne se prévaloir de rien, pas même, dans le cas de Jésus, de son impeccabilité : il s’est dépouillé – et non pas il s’est dépouillé plus encore –, prenant la condition d’esclave. Cette condition, c’est celle du pécheur, celle due au péché, une condition que Jésus endosse sans y avoir été condamné : « Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous » (2 Co 5, 21).

Jésus ne fait pas qu’endosser le péché, il en endosse aussi la conséquence ultime, « son salaire », la mort : « Le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6, 23). Et spécialement cette mort infamante que Paul a l’habitude de souligner, cette mort de la croix : cf. 1 Co 1, 18 ; Ga 6, 14. Autrement dit, Jésus ne s’est à aucun moment « relâché » sur la route de l’abaissement, de la kénose : il a descendu tous les degrés de l’humilité, il « s’est humilié plus encore ».

C’est pourquoi Dieu l’a « surexalté » (v. 9), en lui donnant une condition supérieure à celle qu’il avait avant son abaissement : non plus celle de l’impeccabilité, mais celle-là qui était destinée à Adam s’il avait persévéré dans l’obéissance, la condition divine.

6.13 « En ressemblance d’homme ayant été »

On traduit souvent le participe aoriste genomenos par : « devenu », ce qui suppose un changement d’état, parfois sous forme de naissance. En soi, c’est une traduction normale, habituelle. Ici, comme dans nombre de textes, il s’entend mieux comme participe passé du verbe être, ayant été, forme grammaticale absente de la langue grecque. La logique est alors dite "cumulative" plus que "successive" temporellement.

« À son apparence, trouvé… » On a bien en grec le verbe trouver, au participe aoriste passif, euretheis. Le même verbe se trouve en Ga 2, 17 : « Si, recherchant notre justification dans le Christ, nous avons été trouvés nous-mêmes pécheurs comme les autres, serait-ce que le Christ est au service du péché ? Certes non ! » Dans les deux cas, le sujet est pris en considération à partir des observateurs extérieurs. De cette manière, l’hymne confirme que ce que le Christ a manifesté de lui-même, son comportement visible, correspondait exactement au statut qu’il avait choisi de prendre. On peut prendre l’affirmation en sens inverse : ceux qui ont vu le Christ l’ont bel et bien vu avec tous les traits caractéristiques d’un homme, conformément au choix qui était celui du Christ.

N.B. : Il en faut peu pour interpréter la pensée paulinienne dans le sens du docétisme…

6.14 Obéissant

Faut-il se demander de qui le Christ est-il devenu esclave ? De celui à qui il a obéi (v. suivant). Mais qui est celui-ci ? Dieu qui l’exaltera, comme on le devine. En ne spécifiant pas le destinataire, comme le texte n’a pas spécifié de qui le Christ était l’esclave, le stique met en valeur l’obéissance elle-même, sa durée et sa constance.

6.15 « Et la mort de croix »

Grammaticalement ce syntagme est une anadiplose[23] : il reprend le terme mort. Rhétoriquement, c’est une expolitio, une explicitation de ce qui précède immédiatement. Il est très certainement un ajout de Paul : on en retrouve plusieurs du même type dans ses lettres : Rm 8, 3 ; 9, 30 ; 1 Co 15, 55-56.

6.16 Le Nom au-dessus de tout nom

Il n’est pas difficile de le deviner. On sait que kyrios définit le Dieu des Juifs en langue grecque. Le Christ aboutit donc à être égal de Dieu… « Recevoir le Nom » divin, veut-il dire qu’il prend la place de Dieu ? Il n’y a qu’un seul Dieu mais désormais un autre porte son Nom… Dieu a délégué son Nom au Christ en même temps que la seigneurie.

Serait-ce en référence au fait qu’Adam exerça la mission de « nommer » tous les animaux ?

Le Serviteur de Yhwh, le texte grec annonçait qu’il sera exalté – hypsôthèsetai – (is 52, 13) ; le Christ, lui, Dieu l’a « sur-exalté – hyperypsôsen ».

6.17 Note théologique sur la « kénose » du Fils

Problème : pourquoi n’y a-t-il aucune allusion à la dimension salvifique de la mort du Christ en croix (à la différence de 1 Co 15, 4-5) ? Pour mieux lire ce texte comme exemple pour le disciple, dont l’obéissance ne peut pas avoir la même efficacité.

« Si certains Pères se risquent à parler d’un pathos divin, c’est précisément dans le souci d’apporter à la notion grecque d’apathie les correctifs nécessaires pour qu’elle soit pensée de manière vraiment « digne de Dieu » (Origène) en acceptant le paradoxe de la divino-humanité. La meilleure synthèse est peut-être celle de saint Augustin : « Chez lui, la faiblesse est voulue à partir de la puissance » (In Ps 55,6, PL 41, 415). L’entrée du Dieu tout-puissant dans la faiblesse de la croix constitue elle-même un acte de puissance (et peut-être le plus grand de tous), et cela jusque dans les profondeurs les plus abyssales de la kénose du Verbe : « Je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne me l’enlève, mais je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre : tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10, 18). La résurrection atteste que le dernier mot est par conséquent à la puissance, qui jamais ne s’exténue dans la faiblesse. La souffrance et la mort ne sont pas irréversibles, parce que Dieu, plongé en elles, n’a pas cessé d’être Dieu. »[24]

7. Abaissement et attente de gloire chez l’apôtre

Pour beaucoup, on l’a dit, le ch. 3 existait indépendamment de l’hymne christologique ; cela n’implique pas qu’il ne soit pas de Paul. Il faut néanmoins reconnaître qu’il reproduit de manière admirable pour Paul le double mouvement d’abaissement et d’exaltation que l’hymne nous donne à contempler à propos du Christ. Et c’est sans doute pourquoi cet hymne ne contient aucune mention de la dimension rédemptrice de la mort du Christ, absence qui étonne les exégètes et qu’on explique mal autrement.

Plus encore, Paul va reconnaître non seulement la ressemblance entre sa condition et celle du Christ mais aussi et surtout les effets de l’abaissement puis de l’exaltation du Christ dans sa vie. En lui, bénéficiaire direct de la seigneurie du Christ, se réalise la glorification par laquelle le Christ a reçu le nom qui est au-dessus de tout nom.

7.1 La diatribe envers les judaïsants

« Chiens » et « faux ouvriers – kakoi ergatai » (3, 2).

Le chien n’est pas considéré animal impur dans la législation rabbinique, mais traiter quelqu’un de chien est clairement une forme de mépris. L’expression suggérerait-elle une vie de débauche ? Une rage à s’attaquer à l’apôtre ? On ne saura jamais.

« Mauvais ouvriers » : cf. 2 Co 11, 13 : « Ces gens-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs transfigurés (metaskhèmatizômenoi – camouflés, TOB, déguisés, BJ, RSV) en apôtres du Christ ».

On sait que Paul aime définir son apostolat comme le travail d’un ouvrier, et même une « collaboration » avec l’œuvre même de Dieu. Le texte le plus éclairant se trouve au ch. 3 de la Première lettre aux Corinthiens, précisément quand il doit défendre l’authenticité de l’apostolat tel qu’il le conçoit face à fidèles qui ont tendance à prendre parti pour d’autres prédicateurs : « Nous sommes les coopérateurs de Dieu ; vous êtes le champ de Dieu, l'édifice de Dieu » (1Co 3, 9 ; voir les vv. 5-23). Il qualifie même plusieurs de ses compagnons de « collaborateurs » (Rm 16, 3.9.21 ; 2 Co 8, 23 ; Ph 2, 25 ; 4, 3 ; Col 4, 11 ; 1 Th 3, 2 ; Philm 1, 1.24). Il dénonce donc maintenant des missionnaires d’un terme cinglant : « mauvais ouvriers » !

Dans la Lettre aux Romains, Paul reprend avec insistance la conviction juive relative à la circoncision et à sa valeur indéniable et permanente, mais en rappelant les trois caractéristiques d’une pratique authentique de ce rite : intériorité ; cœur ; Esprit. « Le Juif n’est pas celui qui l’est au-dehors, et la circoncision n’est pas au-dehors dans la chair ; le vrai Juif l’est au-dedans et la circoncision dans le cœur, selon l’esprit et non pas selon la lettre : voilà celui qui tient sa louange non des hommes, mais de Dieu » (Rm 2, 28-29).

Le judaïsme ne cesse de rappeler que la fidélité à la Loi est une question d’attitude intérieure, du cœur, mais en même temps il sacralise au plus haut point le signe distinctif de l’appartenance à la race d’Abraham. Position ambiguë. Paul pousse cette ambiguïté plus loin : c’est dans l’appartenance au Christ que se trouve la fidélité parfaite au Dieu de Moïse.

« L’erreur tient en un mot que Paul modifie intentionnellement pour s’en gausser : la « circoncision » (peritomè) devient « incision » ou « mutilation » (katatomè). Le terme, ainsi déformé, prend valeur personnelle et désigne la société humaine marquée par ce rite physiologique. Paul s’aligne sur les railleries dont les païens du monde gréco-romain entouraient la circoncision des Juifs. Mais l’ironie est ici au service d’une polémique dont l’enjeu est, aux yeux de l’apôtre, d’une extrême gravité. Certes, on hésite à affirmer que les propagandistes de Philippes, comme ceux qui sévissaient en Galatie (Ga 5, 5.12), exhortaient positivement les chrétiens à se faire circoncire : peut-être se bornaient-ils à arguer de leur circoncision pour s’imposer comme les authentiques messagers et continuateurs de Jésus. Le danger n’en était pas moins là et sa nature laisse entrevoir, au moins quant à ses caractéristiques générales » (Légasse, p. 40).

Dans la Lettre aux Galates, Paul ira jusqu’à dire que les païens baptisés au nom du Christ, lui-même descendant d’Abraham selon la chair, sont la véritable descendance d’Abraham et donc bénéficiaires des promesses (Ga 3, 29).

« C’est nous qui sommes les circoncis, nous qui offrons le culte selon l’Esprit de Dieu et tirons notre gloire du Christ Jésus, au lieu de placer notre confiance dans la chair. »

Il faut mesurer ce que cette déclaration a de révolutionnaire dans la bouche d’un Juif s’adressant (même indirectement) à d’autres Juifs. L’intuition de Paul s’exprime aussi de cette manière tranchante : « La circoncision n'est rien, ni l'incirconcision ; il s'agit d'être une créature nouvelle » (Ga 6, 15). Ou encore : « La circoncision n’est rien, et l'incirconcision n’est rien : le tout c’est d’observer les commandements de Dieu » (1Co 7, 19).

L’assurance dans la chair devient, dans un accent fortement ironique : « Ils mettent leur gloire dans leur ventre. »

Cf. Rm 16,17-18 : « Gardez-vous de ces fauteurs de dissensions et de scandales contre l’enseignement que vous avez reçu ; évitez-les. Car ces sortes de gens ne servent pas notre Seigneur le Christ, mais leur ventre, et par des discours doucereux et flatteurs séduisent les cœurs simples. »

La chair comme domaine des passions : cf. Ga 5, 13-26.

La chair comme être humain selon ses seules facultés naturelles ; en soi ce n’est pas mauvais, mais si la « confiance dans la chair » est un prétexte pour prendre de la distance par rapport à l’Esprit de Dieu, c’est un obstacle au salut ; c’est le cas de Ph 3, 3-4. L’expression « ne décrit pas seulement la conscience d’une sécurité toute humaine, mais l’assurance de l’homme devant Dieu » (P. Bonnard).

La chair comme lien généalogique, donc de transmission des promesses : Rm 9, 3.5.8 ; 11, 14.

La chair comme lieu d’inscription de la fidélité à la Loi : Ga 3, 1-3 ; 6, 12-13. Voir Ep 2, 11 // Col 2, 11-13.18.23.

En Ph 3, 3, le sens est certainement lié à la circoncision, mais la suite de l’enseignement paulinien élargit cette thématique à l’ensemble des privilèges que les Israélites tirent de leur appartenance à une descendance.

7.2 L’abaissement de Paul

Pour contrer l’influence de ces missionnaires, et sachant fort bien qu’il s’adresse à des fidèles qui l’apprécient, Paul choisit de donner en exemple l’option qui fut et demeure la sienne face à la Loi et notamment à la pratique de la circoncision rituelle : le renoncement total quitte à se présenter face à son peuple dans la plus grande pauvreté.

Notons que l’on retrouve abondamment les termes relevant du champ lexical de la connaissance et du discernement. On remarque en particulier que Paul reprend à son compte et dans le même mouvement de renonciation la forme verbale ègèsthai, considérer, par laquelle était exprimée la décision du Christ de s’abaisser jusqu’à la mort par obéissance : le Christ « ne considéra pas un privilège (2, 6) / Je considère tout comme une perte (3, 8) ». Paul entend bien montrer comment il s’est mis à la suite du Christ, dans une décision libre et consciente, assumant les conséquences jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la participation à la croix, mentionnée de nouveau en 3, 18.

Sa "périautologie" – plutôt que son apologie – commence par mentionner sept des « privilèges » qui le caractérisent comme bon Israélite. J.-N. Aletti note que la liste de ces traits caractéristiques respecte l’ordre genos-paideia-praxeis que l’on trouve dans les documents hellénistiques contemporains[25].

4 Et pourtant, j'ai de quoi me confier aussi dans [la] chair ;

si quelque autre pense avoir de quoi se confier dans [la] chair, moi davantage :

a- pour la circoncision : au huitième jour,

b- de la race d'Israël, (et pas seulement fils d’Abraham)

c- de la tribu de Benjamin, voir Rm 11, 1

d- Hébreu fils d'Hébreux ; voir 2 Co 11, 22

e- quant à la Loi, un Pharisien ;

f- quant au zèle, un persécuteur de l'Église ;

g- devenu quant à la justice celle dans [la] Loi irréprochable.

7 Mais toutes ces choses qui étaient pour moi des profits, je les ai considérées à cause du Christ comme un désavantage.

8 Mais plus encore,

je considère

tout comme une perte

à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur,

à cause de lui

j'ai accepté de tout perdre,

je considère tout comme déchets,

afin de gagner le Christ.

En tête : la circoncision, au huitième jour ! Donc pas un prosélyte, ou devenu pratiquant sur le tard, mais porté par une famille soucieuse d’accomplir scrupuleusement les rites essentiels de l’Israélite.

Alors que ce qui précédait relevait davantage d’une énumération, au style haché, avec le verset 7 Paul construit une phrase complète (voir Y. Matta, p. 117 : « Comme si Paul voulait témoigner qu’il n’a trouvé le repos et la sérénité qu’en se retrouvant dans le Christ »).

« En tête de liste, la circoncision permet de tracer les deux pistes qui s’ouvrent au regard de Paul, dès lors qu’il veut bien énumérer les raisons de se glorifier selon la chair. La première série concernant la naissance et l’éducation part du cercle large de la race d’Israël pour se focaliser sur la tribu particulière de Benjamin et réaffirmer ensuite l’appartenance de Paul à une famille juive de stricte observance, où le rejoindra l’appel de Dieu qui l’a choisi et mis à part. En revanche, la seconde série, relatant les efforts et les exploits personnels de l’Apôtre dans la sphère morale et religieuse, le montre comme pharisien, poussant le zèle jusqu’à la persécution de l’Église, touchant finalement le point culminant à atteindre : devenir irréprochable quant à la justice qui se trouve dans la loi » (Y. Matta, p. 117).

Dans la Lettre aux Romains (9, 3-5), Paul reprendra les mêmes éléments, mais avec des formules et un ordre adapté à son discours :

"3 Je souhaiterais d'être moi-même anathème, séparé du Christ,

pour mes frères, ceux de ma race selon la chair,

4 eux qui sont Israélites,

à qui appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances,

la législation, le culte, les promesses

5 et aussi les pères,

et de qui le Christ est issu selon la chair,

lequel est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement ! Amen."

Les termes utilisés par Paul pour exprimer son option sont nets ; ils disent la radicalité et la détermination de sa décision.

« Toutes ces choses qui étaient pour moi des profits, je les ai considérés à cause du Christ comme un désavantage (zèmia –traduction liturgique : perte). Bien plus, désormais je considère que tout est désavantage à cause de la supériorité de la connaissance (gnôsis) du Christ, à cause de qui j’ai été dépouillé/j’ai perdu tout (ezèmiôthèn), et je considère tout [comme] déchets (skubala - traduction liturgique : des ordures)… » (3, 7-8).

Quelques termes dont le sens mérite d’être précisé :

Zèmia : zèmia est le dommage, la perte, opposée à kerdos (gain) ou à opheleia (profit, intérêt, avantage). Zèmioô est tjours au passif dans le N.T. : zèmiousthai : avoir subi un dommage, avoir été lésé, avoir perdu [un bien]. Mt 16, 26 : « s’il a perdu son âme ».

Skubala : débris jetés de côté, restes d’un repas ; excréments.

« Je considère tout… » Paul élargit l’énumération de ce à quoi il a renoncé et renonce encore au moment où il écrit à l’ensemble des valeurs humaines. Ainsi, les destinataires n’ont pas à se focaliser sur les traits spécifiques des Israélites mais à considérer aussi les avantages liés à leur propre culture, éducation, origine sociale, etc.

7.3 L’exaltation de Paul

À partir de « la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur (– Kyrios ; voir 2,11)… avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances ».

« Il nous faut avoir à l’esprit les développements de l’épître aux Romains qui éclairent la densité quelque peu énigmatique des phrases. Ici mourir, c’est avant tout « mourir au péché », se soustraire à son empire (Rm 6, 2.10) » (Légasse, p. 42). Cela peut aussi concerner les épreuves de l’apôtre : « Chaque jour, je suis exposé à la mort » (1 Co 15, 31). Ou encore : « sans cesse, je transporte dans mon corps la passion de Jésus… afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps » (2 Co 4, 10). Voir encore 2 Co 5, 1-10).

L’action de Dieu le Père qui a consisté à « sur-exalter » le Christ devient l’action même du Christ qui « transfigure » ou s’apprête à transfigurer par sa propre énergie le corps terrestre de Paul.

7.4 L’exhortation aux fidèles (3, 15 – 4, 1)

La densité des expressions demeure dans le prolongement que Paul opère en visant ses fidèles, leur demandant d’être ensemble ses imitateurs ; la polémique (« leur fin sera la perdition ; ils ont pour dieu leur ventre ») et le pathos (« je le redis avec des larmes ») sont bien là pour entourer la proclamation de l’espérance chrétienne dans ce qu’elle a d’ultime : « nous attendons ardemment, comme Sauveur[26], le Seigneur Jésus-Christ, qui transfigurera le corps de notre humiliation [pour le rendre] conforme au corps de sa gloire, avec cette force qu'il a de pouvoir même se soumettre toutes choses » (3, 20-21).

8. Conclusion

On pourrait relier toute la lettre aux Philippiens comme un commentaire de Mt 23, 12 : « Qui s’élève sera humilié ; qui s’humilie sera exalté »[27] sur la base de la contemplation du Christ dans son attitude de choix libre, d’obéissance au Père, jusqu’à la croix. Le parallèle entre lui et Paul nous saisit et nous invite à l’assumer à notre tour. Cette perspective nous est rendue plus aisée si nous l’accueillons avec le même regard d’amour, d’estime, d’encouragement que Paul avait à l’égard de ses chers Philippiens. Nous pouvons ainsi l’entendre nous souhaiter : « Que Celui qui a commencé en vous cette œuvre bonne l'accomplisse jusqu'au Jour du Christ Jésus » (1, 6).

9. Bibliographie

Pierre Bonnard, L’épître de saint Paul aux Philippiens (Commentaire du Nouveau Testament, X), Delachaux et Niestlé, Neuchâtel – Paris, 1950 [Commentaire suivi, méticuleux, justifiant la traduction sans lourdeur, attentif au sens moral, bien fait (milieu prostestant)]

Lucien Cerfaux, L’hymne au Christ-Serviteur de Dieu (Phil. II, 6-11 = Is LII,13-LIII,12), in : Recueil Lucien Cerfaux, t. II, Gembloux, 1954, p. 425-437

Justin Taylor, La personne du Christ dans le Nouveau Testament (LD 57), Cerf, Paris, 1969 (The Person of Christ in The New Testament, 1966), ch. V : L’hymne christologique de Ph 2, 6-11, pp. 71-87 [Excellent résumé et rapide commentaire des différentes propositions faites par les principaux commentateurs – anglophones – avec son évaluation personnelle]

P. Henry, Art. Kénose, in : SDB, tome v. [En particulier pour le dossier patristique de l’hymne christologique de Philippiens]

Pierre Grelot, La traduction et l’interprétation de Ph 2, 6-7. Quelques éléments d’enquête patristique, in : NRT 103 (1971), p. 897-1028

Id., Deux expressions difficiles de Philippiens 2, 6-7, in : Bib 53 (1972), p. 495-507

Id., Deux notes critiques sur Philippiens 2, 6-11, in : Bib 54 (1973), p. 169-186

Id., La valeur de ouvk … avlla. en Philippiens 2, 6-7, in : Bib 54 (1973), p. 25-42

André Feuillet, Le Christ Sagesse de Dieu dans les épîtres de saint Paul (Études bibliques), Gabalda, 1966, p. 83-161

Id., Christologie paulinienne et tradition biblique, DDB, 1972 [Pour l’hymne christologique]

James D.G. Dunn, Christology in the Making. An Inquiry into the Origins of the Doctrine of the Incarnation, Londres, SCM, 1980, pp. 114-116

L’épître aux Philippiens. L’épître à Philémon. Présentation par Simon Légasse, Cahiers Évangile n° 33, Paris, Cerf – Service biblique évangile et vie, 1980 [On apprécie la simplicité et la profondeur de l’analyse pourtant basée sur une grande érudition]

Peter T. O’Brien, The Epistle to the Philippians (The New International Greek Testament Commentary), Eerdmans, Grand Rapids, Mich., 1991

Elena Di Pede et André Wénin, « Le Christ Jésus et l’humain de l’Éden. L’hymne au Philippiens (2,6-11) et le début de la Genèse », dans RTL 43 (2010), pp. 225-241

W. Jaeger, The Arpagmos Enigma. A Philological Solution, in: HTR 64 (1971), p. 96 sq. [Offre une documentation de base]

Jean-Noël Aletti, Saint Paul. Épître aux Philippiens (Études bibliques. Nouvelle Série, 55), Gabalda, Paris, 2005 [Technique, très documenté, mais langage accessible. Par un spécialiste de l’analyse narrative]

Samuel Vollenweider, « Der "Raub" der Gottgleichheit : ein religionsgeschichtlicher Vorschlag zu Ph 2,6(-11) », dans Horizonte neutestamentlicher Christologie. Studien zu Paulus und zur frühchristlichen Theologie (Wissenschaftliche Untersuchungen zum NT, 144), Tübingen, Mohr Siebeck, 2002, p. 263-284

John M. G. Barclay, “Why the Roman Empire was insignificant to Paul”, dans Pauline Churches and Diaspora Jews (Wissenschaftliche Untersuchungen zum NT, 275), Tübingen, Mohr Siebeck, 2011, p. 363-387

L’hymne au Christ (Philippiens 2,5-11). Textes présentés par Béatrice de Boissieu, Hugues Cousin, Gilbert Dahan, Jean-Louis Déclais, Henri Delhougne, Marcel Durrer, Camille Focant, Jean-Noël Guinot, Rémi Lescot, Annie Noblesse-Rocher, Éliane Poirot, Jean-Éric Stroobant de Saint-Éloy (C.E. Suppl., 164), Paris, Service Biblique Évangile et Vie, Cerf, 2013

[1] Excellent résumé de la question dans Y. Matta, À cause du Christ. Le retournement de Paul le Juif, LeDiv 256, Paris, Cerf, 2003, p. 23-40.

[2] P. 21-28. M. Hubaut introduit à Ph sur la base de la scission du texte en ces trois parties (Paul de Tarse, p. 67-72).

[3] Paul apôtre. Essai de biographie critique, Cerf, Fides, 1991, p. 191 (dans son commentaire du Cahier Évangile, 33, pp. 10-12, il se montrait réticent au morcellement de Ph). Dans les pages précédentes, il suppose que Galates a été écrite avant Philippiens, l’une et l’autre dans la même veine que la 2ème aux Corinthiens, donc pendant le séjour à Éphèse ou immédiatement après.

[4] Présentation détaillée en : Session Lérins\Philippiens Chapitre 3.docx.

[5] Du nom du grand roi Philippe II (4ème siècle av. J.C.), celui qui fédéra les roitelets de la région et donna naissance à la Grèce ; son fils Alexandre, surnommé le Grand, portera les limites du Royaume jusqu’à Babylone en passant par l’Égypte. Ce fut le premier grand empire méditerranéen ; Rome n’aura qu’à l’investir pour l’élargir aux dimensions du « monde habité », l’ "oikumènè".

[6] Actuellement Durasso en Albanie, à proximité de Tirala.

[7] Sauf en 3,1-4,1, ce qui serait le signe que ce passage est interpolé ?

[8] Voir F. Vouga, p. 261-262.

[9] J.-N. Aletti (Saint Paul. Épître aux Philippiens, p. 1-4) présente et commente les diverses propositions sans prendre parti, Rome étant une proposition plausible, et Rm 15, 14-29 n’étant pas utilisable ; F. Vouga et M. Hubaut optent pour Éphèse.

[10] R. E. Brown ajoute les dissensions internes à la communauté (par orgueil ?) et déconseille de chercher d’autres précisions sur ces adversaires, vu que les données en notre possession sont maigres… M. Hubaut interprète sans hésiter en fonction de la diffusion des options des judaïsants.

[11] Voir J.-N. Aletti, Op. cit., p. 26.

[12] Le premier sens est celui de faire route devant, diriger, guider, conduire.

[13] Voir Cl. Tassin, « La prière de Philippiens 1,3-11 », in Saint Paul, homme de prière, coll. Vivre, croire, célébrer, Paris, Éditions de l’Atelier/Les Éditions ouvrières, 2003, p. 17-34.

[14] Voir J.-M. Cambier, « Paul de Tarse, un homme libre », in Paul de Tarse, apôtre de notre temps, L. de Lorenzi (éditeur), Série monographique de « Benedictina ». Section paulinienne, 1, Rome, 1979, pp. 751-794 (p. 756-757).

[15] Voir R. Schnackenburg, Le message moral du Nouveau Testament, 2è éd., Ed. X. Mappus, Le Puy-Paris-Lyon, 1963, pp. 274-277.

[16] Cela donnait du travail aux fabricants de tentes, dont Paul, associé avec Prisca et Aquilas.

[17] Euaggelion : 8x en Ph.

[18] Voir C.E. Suppl. 164 (2013), pp. 17-18.

[19] Dans le même sens J.-N. Aletti, p. 151-153, avec des citations.

[20] Processus par lequel un segment du discours (dit anaphorique) renvoie à un autre segment (dit antécédent) apparu dans le même contexte..

[21] Le Christ Sagesse de Dieu d’après les épîtres pauliniennes, 1966, p. 341-342.

[22] Voir le résumé des positions en P.T. O’Brien, Philippians, p. 263-268.

[23] Du grec ana (« de nouveau ») et diploos (« double »), figure de style consistant en la reprise du dernier mot d'une proposition à l'initiale de la proposition qui suit, afin de marquer la liaison entre les deux. La répétition du mot forme un enchaînement qui permet d'accentuer l'idée ou le mot.

[24] J.-P. Batut, Un Père souffrant ?, in : Communio xxviii, 5-6 (2003), pp. 57-76, p. 62-63.

[25] Saint Paul. Épître aux Philippiens, p. 230-231. Repris par Y. Matta, p. 115-116.

[26] Seul emploi du titre de « sauveur » (sôter) dans les lettres de Paul ; 16 occurrences dans les autres lettres pauliniennes.

[27] Voir aussi 2 Co 11, 7.

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