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Biblissimo

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Vous trouverez ici des documents visant à une meilleure connaissance de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments. Ils représentent le fruit de recherches personnelles. Je les mets à votre disposition en vous demandant de respecter les droits d'auteur. Bon travail!


Le grand commandement (30° dimanche du T.O. -A-)

Publié par Biblissimo sur 23 Octobre 2011, 08:15am

Catégories : #Evangile du dimanche

Evangile du 30° dimanche du T.O.: Le grand commandement (Mt 22, 34-40)

 

Apprenant qu’il avait fermé la bouche aux Sadducéens, les Pharisiens se réunirent en groupe, et l’un d’eux lui demanda pour l’embarrasser :

« Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi ? »

Jésus lui dit :

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes. »

 

Il y a un abîme immense entre le cadre du débat juridique qui oppose un légiste à Jésus et ce qui en émerge : l’exhortation à aimer Dieu de tout soi-même et son rapprochement avec l’amour du prochain… À lire le contexte, on pourrait dire qu’il ne s’agit que d’une simple question à caractère scolaire… Pire, que cette question n’est rien d’autre, dans la tête du légiste pharisien, qu’un piège tendu à Jésus…

Si on nous avait demandé de désigner parmi les 613 préceptes de la Torah celui ou ceux qui ont la plus grande importance, nous aurions eu beaucoup de mal à répondre… Or, nous trouvons que Jésus a fait le bon choix ; nous ne pouvons que l’approuver.

Le contexte de cet épisode, dans le récit de Matthieu, donne un peu de relief à la scène : il est le troisième parmi quatre discussions dans lesquelles Jésus justifie sa pensée sur des sujets aussi importants que le rapport avec l’occupant romain (l’évangile de dimanche dernier), la question de savoir si les morts ressusciteront et si le messie n’est que fils de David. De plus, nous sommes à Jérusalem et ce sont les derniers jours de Jésus. Les autorités juives ont décidé de mettre un terme au succès de ce prédicateur inclassable et indépendant, à la fois novateur et traditionnel.

Mais tout de même, nous sommes gênés de trouver le commandement central de toute notre existence chrétienne dans un débat légaliste et, qui plus est, faussé par la mauvaise intention de l’interlocuteur de Jésus…

 

Laissons cela de côté et penchons-nous sur le contenu : « Tu aimeras ton Dieu ; tu aimeras ton prochain ». Le verbe est au futur, qui correspond, dans les textes législatifs de la Bible, à une forme d’impératif : en effet, il énonce une attitude considérée comme normale et en fait un précepte.

Ou plutôt laissons-nous surprendre par un autre élément fort étonnant : Comment peut-on commander d’aimer ? Comment l’amour peut-il être objet d’un commandement ? Est-ce encore de l’amour quand il est raisonné, motivé par un ordre ?

Des parents peuvent demander à leur fils d’avoir de la bienveillance à l’égard des frères plus jeunes, de leur prêter attention et de laisser parler le cœur quand la jalousie ou la volonté de domination risque de gâter les relations. Il est normal d’avoir de la bienveillance pour ses frères plus faibles.

Mais Dieu n’a rien d’un frère plus faible.

On peut aussi demander d’avoir de la considération pour une personne qui nous a beaucoup donné ; on peut l’aimer pour le fait qu’on lui doit tout ou une partie de ce qui nous permet de vivre et d’être heureux. C’est un amour basé sur le fait que la générosité du bienfaiteur en a dévoilé la bonté. C’est cette attitude que le Juif doit prendre pour aimer ce Dieu à qui il doit tout et qui a agi à son égard avec amour. Le contexte d’où la citation de Dt 6, 5 est tirée l’exprime clairement :

Lorsque demain ton fils te demandera : " Qu’est-ce donc que ces instructions, ces lois et ces coutumes que le Seigneur notre Dieu vous a prescrites ? ", tu diras à ton fils : " Nous étions esclaves de Pharaon, en Égypte, et le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte par sa main puissante. Le Seigneur a accompli sous nos yeux des signes et des prodiges grands et terribles contre l’Égypte, Pharaon et toute sa maison. Mais nous, il nous a fait sortir de là pour nous conduire dans le pays qu’il avait promis par serment à nos pères, et pour nous le donner. Et le Seigneur nous a ordonné de mettre en pratique toutes ces lois, afin de craindre le Seigneur notre Dieu, d’être toujours heureux et de vivre, comme il nous l’a accordé jusqu’à présent (Dt 6,20-24).

 

C’est donc un amour rempli de reconnaissance et de crainte que Moïse demande à son peuple : quand tu seras parvenu dans la terre que Dieu te donne, tu l’aimeras… C’est normal, c’est logique.

Si l’amour est un sentiment, on ne peut pas y obliger par voie de précepte ; si l’amour est suscité par la bonté de l’autre, il y a une part de volontaire, celle de prendre en considération cette bonté et de lui apporter la réponse qu’elle mérite.

 

« Le second lui est semblable » : Aimer son prochain comme soi-même.

Ce précepte devenu célèbre provient d’un recueil d’enseignements et de préceptes relatifs aux relations qu’un Juif doit avoir avec ses proches. Or, dans le contexte de ce ch. 19 du livre du Lévitique, le « prochain » est clairement défini comme un membre du peuple élu (ou à la rigueur un étranger en résidence, et pour cela bénéficiant des privilèges de l’hospitalité). Il ne désigne pas d’autre type de personne. Il faut donc bien comprendre le terme « prochain » dans son sens étymologique : il y a des personnes proches et d’autres éloignées. Lv 19 veut ordonner une vie sociale autour du principe de la priorité absolue du groupe hébreu sur tout autre groupe humain. C’est évidemment dangereux.

Dans ce contexte, il est évident que le prochain a les mêmes droits que soi. Moïse n’engage pas tant ses frères à un amour de reconnaissance ou d’amitié qu’à une attitude permanente de respect de l’autre et de ses droits. Là aussi, il y a une grande part de volonté, celle de choisir de se laisser guider par le respect dans les rapports avec les autres.

Matthieu avait déjà parlé de cette forme d’amour en l’élargissant à tout homme :

Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes (Mt 7,12).

On retrouve même dans notre deuxième commandement la même remarque qui présente le commandement de l’amour du prochain comme résumé de toute la Loi. Or, une telle formulation n’a rien d’extraordinaire ; il n’y a pas besoin de révélation pour cela et des sages de toutes cultures ont donné la même recommandation sous des formes diverses. Tu aimeras ton Dieu ; tu aimeras ton prochain… Si les deux éléments de la réponse de Jésus n’étaient que juxtaposés – comme dans les versions de Marc et Luc –, elle n’aurait donc rien de particulier.

Cependant, la note du verset 39 : « Le second lui est semblable – homôia » change radicalement la valeur de la réponse.

Car le chrétien, s’il est cohérent avec sa foi, sait qu’aimer l’autre comme soi-même c’est l’aimer comme Dieu nous aime ; l’évangile nous a appris une nouvelle définition de l’amour, celle qui consiste à passer par le cœur de Dieu pour s’aimer soi-même et l’autre. Dans cette forme d’amour, la charité, Dieu s’est fait le prochain de tout homme, qu’il soit mon ami ou mon ennemi.

 

Ajoutons que ce qui donne tout son sens évangélique à une formule de simple bon sens, c’est de la relire à la lumière de ce dépassement de la Loi, aussi bien celle de Moïse que celle des sages de ce monde, que nous trouvons dans le Discours sur la Montagne. On y apprend qu’il n’y a plus de distinction entre personnes proches et personnes éloignées : l’ennemi est aussi proche que le frère ou la sœur, et doit être aimé de la même manière.

C’est pour cela que le deuxième commandement est dit « semblable » au premier. On ne dit pas « identique », ni même égal, mais « semblable », « ressemblant ». Il faut que ton amour pour l’autre ressemble à celui que Dieu a pour toi comme pour lui.

 

« Tu aimeras… de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. » Matthieu a repris du texte du Deutéronome les facultés du cœur et de l’âme ; il a laissé de côté l’exhortation à aimer de toute la force ; il a ajouté, comme Marc et Luc, qu’il fallait aussi aimer « de tout ton esprit ». On peut s’attarder à chercher des différences entre ces trois manières de désigner les principales facultés qui entrent en jeu dans les choix humains. On peut – et on doit sans doute – rappeler que le terme « cœur » est une image qui, dans le contexte biblique, se rapporte plus à la capacité de réflexion et de décision qu’à l’émotion et au sentiment. Mais cela aussi est secondaire. Car la répétition des ces trois termes somme toute assez proches n’a qu’un seul but : dire que tout ce qui conduit l’homme à prendre des décisions doit être exclusivement guidé par l’amour de Dieu.

Et, puisque le second commandement lui est semblable, elle vise aussi nos relations humaines : elles-mêmes doivent être totalement guidées par la charité.

 

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