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Biblissimo

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Vous trouverez ici des documents visant à une meilleure connaissance de la Bible, Ancien et Nouveau Testaments. Ils représentent le fruit de recherches personnelles. Je les mets à votre disposition en vous demandant de respecter les droits d'auteur. Bon travail!


L'évangile de Jean et l'histoire. Un tableau des diverses positions selon W. R. G. LOADER

Publié par Biblissimo sur 5 Janvier 2022, 16:03pm

Catégories : #Nouveau Testament, #Evangile et Lettres de Jean

Le rapport de Jn avec l’histoire

Dans son ouvrage, Jesus in John’s Gospel. Structure and Issues in Johannine Christology,[1], W. R.G. Loader résume ainsi les diverses positions des exégètes selon cinq groupes, depuis celui qui accorde davantage d’exactitude historique jusqu’à celui qui estime que Jn n’a aucun intérêt pour l’histoire :

A : Le rapport de Jn à l’histoire est objectivement fiable ;

B : Le rapport à l’histoire n’est qu’intentionnellement fiable ;

C : Jn a esquissé un portrait du Christ intentionnellement créatif utilisant des traditions historiques ;

D : Jn est le résultat de l’extension de la tradition d’un portrait intentionnellement créatif du Jésus terrestre de l’histoire ;

E : Jn est le résultat de l’extension de la tradition d’un portrait intentionnellement créatif du Christ vivant sans intérêt particulier pour le Jésus terrestre de l’histoire.

 

1- Rapport historique objectivement fiable (A)

L’auteur était certain de rédiger un rapport méticuleux des événements du ministère de Jésus, incluant les parles de Jésus, et occasionnellement ajoutant son propre commentaire, lequel est clairement identifié comme tel. L’auteur était intègre en ce dont il était certain de faire. Cf. L. Morris[2], H. Riesenfeld[3].

 

2- Rapport historique intentionnellement fiable (B)

Cette hypothèse est semblable à la première exceptée la dernière phrase : l’auteur ne se rendait pas compte que, dans le processus d’écriture, il présentait Jésus à la lumière de sa propre foi et de celle des traditions postpascales. Pour W. Grundmann, l’auteur reprenait des paroles du Christ glorifié à partir de prophètes chrétiens des Églises primitives comme si elles étaient du Jésus terrestre.[4]

 

3- Portrait intentionnellement créatif utilisant des traditions historiques (C)

L’auteur était conscient d’utiliser des traditions, certain qu’elles décrivaient sincèrement les paroles et actions de Jésus ou qu’elles étaient basées sur une mémoire authentique, mais il ne se contenta pas d’ajouter un commentaire : il augmenta, recréa ou créa de toutes pièces des dialogues et des discours afin de donner une nouvelle expression à ce qu’il croyait que Jésus a été et était. Il retravailla du matériau narratif de la même manière ; il crut que son travail était inspiré par l’Esprit Saint agissant dans la communauté.

Certains exégètes ajoutent que l’auteur semble avoir été conscient de la manière dont se partageait la tradition historique concernant Jésus d’avec ses propres pensées relativement à ce que Jésus a certainement dit. Il composa alors son récit selon deux niveaux : a) la narration d’actions et d’enseignements de Jésus ; b) la formulation d’une vision christologique plus profonde. Le deuxième niveau répond premièrement a) aux besoins de la communauté pour laquelle l’auteur rédige son Évangile ; b) à une vision christologique selon laquelle ce qui relève de la gloire du Christ est immergé dans sa condition terrestre, de sorte que le niveau de l’histoire n’a de sens et ne doit être appréhendé que en rapport avec la destinée glorieuse du Fils. L’auteur rédige davantage comme théologien que comme historien.

Deux variantes maintiennent que l’auteur est unique et font appel au rôle de la mémoire dans le processus de tradition. Elles prennent en compte l’impossibilité de déterminer les sources utilisées par l’auteur et qui pourraient expliquer les tensions présentes dans les affirmations à teneur christologique. C’est la mémoire d’un témoin persuadé que le tableau qu’il donne de Jésus est authentique et toute analyse sérieuse se doit d’intégrer les éléments correspondant à un tel processus, matrice génératrice complexe, associant, en fonction de la situation précise de la communauté johannique, des données historiques sur Jésus et leur approfondissement à partir de la foi pascale et de l’interprétation des Écritures, le tout guidé par l’Esprit Saint.

Une double question demeure : a) S’agit-il d’un simple approfondissement de la tradition commune ou d’une correction significative ? b) Peut-on retracer de manière fiable les situations que seules Jn a connues et rapporte ainsi que son évolution spirituelle, évolution qui expliquerait les insistances propres à son récit théologique ?

 

4- Extension de la tradition d’un portrait intentionnellement créatif du Jésus terrestre de l’histoire

Les traditions utilisées par l’auteur incluaient des éléments de l’interprétation postpascale déjà reportés sur le Jésus terrestre, lequel doit être présenté aux destinataires avec une authentique consistance.[5] La figure du disciple bien-aimé est censée faire le lien entre Jn et les traditions primitives, jouant le rôle d’auteur implicite.

Le discours de Jésus en Jn 5 ne pouvait pas être considéré historique par l’auteur.

Cette position est éventuellement mise en rapport avec la position selon laquelle Jn est un écrit antidocétique.

F. Mussner : le disciple bien-aimé s’oblige à exercer un « apostolic office », comportant d’assurer les destinataires de la véracité historique du personnage de Jésus.[6]

T. Onuki : Jn rassemble en une unique perspective les horizons terrestre et glorieuse du Christ afin de maintenir la continuité historique et de tenir ensemble la figure pré- et postpascale. Jn 3 est un bon (l’unique) exemple du passage imperceptible entre les deux.[7]

Jn “has nothing to do with a decision to present a docetic Christ, but arose from his constant awareness, which he shared with the members of his community, that they were living in the presence of the Glorified One. So dazzling was his glory that any memory of a less-than-glorified Christ was altogether eclipsed”.[8]

 

5- Extension de la tradition d’un portrait intentionnellement créatif du Christ vivant sans intérêt particulier pour le Jésus terrestre de l’histoire

L’auteur ne s’intéressait aucunement à la question de l’historicité ; il a utilisé des traditions à sa disposition comme base de son génie créatif en vue d’offrir le portrait du Christ vivant tel qu’il était expérimenté dans la communauté de foi, estimant qu’une telle œuvre était le fruit de l’Esprit, lequel avait travaillé en ce sens dans la communauté.

H. Schlier : on ne constate pas de développement historique dans la figure du Christ johannique : l’auteur est intéressé seulement dans le Christ en tant que Fils. E. Käsemann : Jn a opéré « l’habillement du Christ dogmatique » avec le Jésus terrestre, sur la base de quelques faits historiquement exacts tels les miracles.

 

[1] Eerdmans, Grand Rapids, 2017, p. 393-421.

[2] The Gospel According to John. The English Text with Introduction, Exposition and Notes, NICNT, Eerdmans, Grand Rapids (Mich.), 1995, p. 41-46.

[3] “The Gospel Tradition and Its Beginnings”, dans The Gospels Reconsidered. A Selection of Papers Read to the International Congress on the Four Gospels, Blackwell, Oxford, 1969, p. 203-204.

[4] Zeugnis und Gestalt des Johannes-Evangeliums. Eine Studie zur denkerischen und gestalterischen Leistung des vierten Evangelisten, Arbeiten zur Theologie, 1, Calwer, Stuttgart, 1961, p. 14.

[5] “The historical material is much better explained as coming to the author through the nature of his traditions than through direct authorship memory” (p. 399).

[6] Die johanneische Sehweise und die Frage nach dem historischen Jesus, QS 28, Herder, Freiburg im Breisgau, 1965, p. 23.42-43.

[7] Gemeinde und Welt im Johannesevangelium. Ein Beitrag zur Frage nach der theologischen und pragmatischen Funktion des johanneischen « Dualismus », Wissenschaftliche Monographien zum Alten und Neuen Testament, 56, Neukirchener Verlag, Neukirchen-Vluyn, 1984, p. 203.205.

[8] John Ashton, The Gospel of John and Christian Origins, Fortress Press, Minneapolis, 2014, p. 198.

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